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Après avoir abondamment alerté sur l’effondrement d’une « Tour de Babel » monétaire fondée sur la fraude et le pillage en bande organisée, Pierre Jovanovic reprend de la hauteur avec les miracles d’un Jésus thaumaturge,voyant et même humoriste bien méconnu…

Depuis l’effondrement de 2008, l’ancien journaliste économique Pierre Jovanovic sonne l’alarme sur son « Blog de l’Apocalypse financière » et au fil de treize livres – une série à succès commencée avec Enquête sur l’existence des Anges gardiens (trente années de réimpressions…).

Retour aux sources célestes avec Jésus. Qui était-il vraiment ? Un militant politique, condamné à mourir sur la croix par le gouverneur romain Ponce Pilate pour « trouble à l’ordre public » ou un personnage surnaturel ? Manifestement, son nom s’est inscrit dans l’histoire du monde – il l’a même « profondément labourée » rappelait Emerson (1803-1882).  

Il y aurait eu un Jésus historique et un Christ métaphysique venu « délivrer les hommes ». Mais de quoi ? De leur finitude ou de leur propension à se raconter des histoires ? Assurément, la Bible en raconte beaucoup, de belles histoires – et des bien tragiques, aussi. Mais cette façon de raconter résiste à l’épreuve du temps et fonctionne tout autant comme un révélateur des ressorts anthropologiques à l’oeuvre dans toute culture humaine. Le christianisme revisité peut-il encore donner une âme à un « globalisme » en phase terminale de propagation virale ou constituer un antidote ?

Christianisme et optimisme…

Le livre de Pierre Jovanovic commence avec l’enterrement du journaliste de télévision Paul Wermus au cimetière parisien de Montparnasse le 22 septembre 2017. L’ami disparu avait été l’interviewer privilégié du « Tout-Paris », c’est-à-dire des quelque 30 000 personnes « qui comptent » en médiacratie… Son cercueil avait été suivi par « à peine 50 ou 80 personnes » ayant estimé que « cet homme était digne d’un dernier adieu » – vanité des vanités et poursuite du vent, à commencer par celle des réputations et des reconnaissances, que l’on croirait bien établies dans la « société du spectacle »…

C’est ainsi que l’ami Paul, mené à sa résidence funéraire, amène à l’apôtre Pierre, passé à la postérité pour cette phrase sybilline de Jésus : « Tu es Pierre et sur cette pierre je vais construire mon église »… Ce qui pourrait se retranscrire en : « Tu es Pierre et c’est sur ta tombe que je poserai la preuve de mon passage, mon église » – sachant qu’une église est faite de pierres, certes… Depuis, la tombe de Pierre a été considérablement embellie, notamment  par les « millions de pièces d’or obtenues par le trafic des indulgences »…

Deux millénaires de dévotions (et de turpitudes de prélats…) plus tard, voilà Jésus consacré comme « LE maître du temps universel » et gratifié du don de voir l’avenir, de la « présence à distance » et d’un certain talent dans… l’humour noir !

Un « don » de vision à distance que partagent les firmes de Wall Street qui « dépensent des sommes gargantuesques en équipements high-tech (…) juste pour se recréer la Pythie de l’Oracle de Delphes d’il y a 2500 ans »… Oui mais cet appareillage dispendieux, ce n’est « pas pour connaître le futur, juste pour voler l’argent des gens encore plus rapidement, pour les voler à la vitesse de la lumière ! »

L’humour noir de Jésus s’exprimerait-il dans la sentence « Heureux celui qui a cru sans voir » ? La foi n’est-elle pas la substance des choses que l’on ne voit pas ?  Un prêtre, ayant douté de sa présence dans le vin, avait fait jaillir du calice un geyser de sang, dans une église au nord-ouest de Barcelone, connue depuis sous le nom de Sanctuaire du Saint-Doute…

Jésus, la Matrice et la gravitation universelle…

Pour autant, peut-on expliquer l’effondrement imminent et ultime d’un sytème de fraude par l’eschatologie chrétienne ? Peut-on transposer les paraboles, sentences ou miracles de Jésus au système monétaire d’une économie de prédation et de bazar « postindustrielle » ?

Le Temple spirituel de l’espèce animale parlante et présumée « pensante » qui a un tel besoin éperdu de croire est toujours à reconstruire – jusqu’au seuil de l’ultime débâcle civilisationnelle, illustrée par les « performances » d’une Marina Abramovic, présumée pratiquer la « vision dans le futur » ou l’évaporation de choses jusqu’alors présumées être du « capital »… Tout est-il vraiment « déjà écrit » ? Saint Paul était-il « le parfait homosexuel refoulé qui a voulu interdire aux hétérosexuels d’avoir une vie sexuelle », annonçant les scandales  sexuels du Vatican, toujours si prompt à mettre sous le boisseau les manifestations dites « miraculeuses » ?

Pour l’heure, celles-ci se poursuivent – pour qui veut les voir ou les (sur)interpréter… Ainsi, au Mexique qui déplore plus de 500 000 morts par homicide dus aux guerres de territoire entre cartels de narco-trafiquants, « l’ultra-violence inhumaine a déclenché une série hallucinante de miracles en tous genres dans les églises » – comme les statues de la Vierge qui pleurent…Des « lacrymations spontanées » de statues ont été filmées dans toute l’Amérique latine. En verra-t-on de semblables encore dans le Vieux Monde qui s’abîme dans la destruction systémique des modes de vie fondés sur l’ordre naturel des choses ? Assurément, il en faudra, et des moins lacrymaux pour parvenir à l’extinction des maux affligeant l’espèce présumée si « compassionnelle »…

Nos aïeux ont pu « vivre » les sempiternelles guerres de prédation ou les effets pervers de la première planche à billets de l’aventurier franco-écossais John Law (1671-1729) sous Louis XV (1710-1774) – une escroquerie qui a inspiré le Faust de Goethe (1749-1832) et en annonçait bien d’autres, jusqu’à la « monnaie dématérialisée » ou « l’euro numérique » à venir dans un monde jusqu’alors en reprogrammation permanente jusqu’à sa « réinitialisation » ultime …

L’ancien journaliste du Matin de Paris a beaucoup alerté sur « l’effet meurtrier » d’une planche à billets  lorsque le travail n’est plus compensé par du tangible (comme l’or, le bétail, le blé, etc.) mais par « le vide, le rien, le néant d’un bout de papier » ou de pixels, de lignes de code informatiques engrammés dans les circuits imprimés d’une machinerie décrétée ordinatrice – et bientôt en panne… C’est le plus sûr moyen de faire le lit de la frustration, du ressentiment ou de la haine menant à la destruction d’une « humanité » qui aura consenti à son effacement sous le joug d’un « ordonnancement logistique managérial » (Eric Sadin) assurant la quasi totalité de ses opérations tant cognitives que matérielles – comprenne qui voudra…

Jusqu’alors, dans un « monde civilisé », un système financier est censé relier les hommes en leur permettant d’échanger des biens sur une base commune – pas les déchirer ou les précipiter en guerre ou en enfer… Il est ou devrait être l’huile sainte qui fait tourner les rouages du commerce international – c’était l’assurance du standard or indirect de Bretton Woods fondé sur une once stable à 35 dollars. Chacun peut se renseigner utilement sur ce qui commencé après la sortie de la couverture or des Etats-Unis un certain 15 août 1971 – notamment en relisant les livres précédents de Pierre Jovanovic (dont 666 et 777) avant sa réécriture du Jésus de l’histoire…

Voilà arrivé le moment où chacun finit par réaliser qu’il joue sa peau – et qu’elle ne vaut déjà plus très cher pour avoir été surjouée et survendue par des gamers ayant d’ores et déjà dilapidé leurs folles illusions de « gains » et « profits » dans le chaudron de toutes les perditions…

Si « le mythe est mensonge » (René Girard), y aurait-il une haute fonction évangélique de fables chrétiennes bien racontées qui rendrait à une humanité d’ores et déjà sacrifiée son pouvoir ordonnateur et transformateur abandonné à une machinerie en surchauffe dans un monde sous haute tension – bientôt désactivé ? Les textes créditent Jésus de la plus puissante maxime psychodynamique qui soit : « Il te sera fait selon ta foi »…

Permettra-t-elle à chaque milliardième de présumée « humanité » et de conscience universelle d’assurer la capacité d’âme nécessaire à l’exercice de « droits humains » dans une « civilisation » véritable  et vivable? Le poète T.S. Eliot (1888-1965) suggérait que nous sommes la musique du monde – « tant que dure la musique ».

Paru dans Les Affiches d’Alsace et de Lorraine

Pierre Jovanovic, 888 – « l’humour noir et les pouvoirs surnaturels du Christ », Le Jardin des Livres, 344 pages, 24 euros


Françoise Urban-Menninger fait entendre « la voix de l’écrit » accordée à celle de l’univers dans un nouveau recueil porté par une « pensée plus légère que l’air », comme une avancée dans la liberté des possibles et du transmissible de la langue.

« La poésie c’est l’absolu réel » écrivait Novalis (1772-1801), voire la « religion originelle de l’humanité ». Prise au sens étymologique, l’expression rappelle comment elle fait son oeuvre de reliance et de résonance, de  « vigilance éblouie »  pour nous ressourcer à une joie transcendentale sur la mince ligne de partage entre le monde et le vide, ainsi que l’exprimait Magritte (1896-1967) dans la fulgurance picturale de sa Lunette d’approche (1963).

La poésie de Françoise Urban-Menninger se laisse écrire dans la limpidité de ce questionnement qui fait l’économie du malheur du monde (sans l’évacuer tout à fait de ses cadences..) au fil d’un chemin d’éveil et d’assomption, entre choses vues dans le village de Kunheim, souvenirs dansants de la mère disparue et traduction des « signes de l’invisible » :

écrire avec le bleu des larmes

sur la page blanche

où repose le ciel

dans sa conque de silence

le temps m’a chargé

de vous écrire que la pluie

est notre pleureuse officielle

la mère de toutes les douleurs

elle est le cri muet

de notre indicible naufrage

et ferme nos paupières

sur la nuit qui nous habite

Cet itinéraire d’intensité et d’éveil trouve sa force d’élévation dans ce supplément de réalité qu’il rajoute au monde sensible. C’est dans cette limpidité d’une langue de communion que la poésie de Françoise Urban-Menninger fait gagner en présence éveilleuse ce qu’elle dénomme et célèbre :

les femmes font tourner la terre

dans leur ventre de mères

elles enfantent le monde

dans la magnificence de cette ronde

où chaque matin revient

un poème à la main nous offrir

un pan de ciel ou un rai de soleil

pour célébrer le jour qui s’éveille

Ainsi se résolvent ou se renouvellent les questions que « l’homme » pose à l’univers ou celles que l’univers lui pose dans leur perpétuelle création l’un par l’autre. La poésie de Françoise Urban-Menninger en est la traduction fidèle depuis certain « jardin intérieur » où tout se relie dans la joie de créer, de se relier et de se confronter à tout l’accomplissable à exprimer. Histoire de se dépasser et renaître sans cesse à chaque poème et à chaque instant dans la forge du faire et de l’être…

C’est bien de renaissance qu’il s’agit dans la lumière de tous les vivants, par la grâce de ce pouvoir d’émerveillement en exercice continuel de métaphysique concrète :

nous nous survivons à nous-mêmes

dans la lumière du poème

car nous savons que les mots

seront nos derniers échos

nous savons que le ciel

un jour nous coupera les ailes

car nous avons été cet enfant

qui a trop joué avec le temps

C’est ainsi que l’être se crée en créant sa demeure et dépendances dans sa langue – c’est ainsi qu’il se fait voix dans l’univers. Rien que ça dans le jeu du poème s’autorisant à l’être : une musique, une énergie, un corps léger comme « corps de gloire » où renaître, une rosace sensible emportés par leur mouvement vers le grand Choeur dédié à la Création.

Paru dans Les Affiches d’Alsace et de Lorraine

Françoise Urban-Menninger, Renaître dans le poème, éditions Astérion, 88 pages, 10 euros.








































































































Françoise
Urban-Menninger fait entendre « la voix de l’écrit » accordée à celle
de l’univers dans un nouveau recueil porté par une « pensée plus légère
que l’air », comme une avancée dans la liberté des possibles et du
transmissible de la langue.

 

« La poésie c’est
l’absolu réel » écrivait Novalis (1772-1801), voire la « religion
originelle de l’humanité ». Prise au sens étymologique, l’expression
rappelle comment elle fait son oeuvre de reliance et de résonance, de  « vigilance éblouie »  pour nous ressourcer à une joie
transcendentale sur la mince ligne de partage entre le monde et le vide, ainsi
que l’exprimait Magritte (1896-1967) dans la fulgurance picturale de sa Lunette d’approche (1963).

La poésie de Françoise
Urban-Menninger se laisse écrire dans la limpidité de ce questionnement qui
fait l’économie du malheur du monde (sans l’évacuer tout à fait de ses cadences..)
au fil d’un chemin d’éveil et d’assomption, entre choses vues dans le village
de Kunheim, souvenirs dansants de la mère disparue et traduction des
« signes de l’invisible » :

 

écrire avec le bleu des larmes

sur la page blanche

où repose le ciel

dans sa conque de silence

 

le temps m’a chargé

de vous écrire que la pluie

est notre pleureuse officielle

la mère de toutes les douleurs

 

elle est le cri muet

de notre indicible naufrage

et ferme nos paupières

sur la nuit qui nous habite

 

Cet itinéraire d’intensité et
d’éveil trouve sa force d’élévation dans ce supplément de réalité qu’il rajoute
au monde sensible. C’est dans cette limpidité d’une langue de communion que la
poésie de Françoise Urban-Menninger fait gagner en présence éveilleuse ce
qu’elle dénomme et célèbre :

 

les femmes font tourner la terre

dans leur ventre de mères

elles enfantent le monde

dans la magnificence de cette ronde

 

où chaque matin revient

un poème à la main nous offrir

un pan de ciel ou un rai de soleil

pour célébrer le jour qui s’éveille

 

 

Ainsi se résolvent ou se
renouvellent les questions que « l’homme » pose à l’univers ou celles
que l’univers lui pose dans leur perpétuelle création l’un par l’autre. La
poésie de Françoise Urban-Menninger en est la traduction fidèle depuis certain
« jardin intérieur » où tout se relie dans la joie de créer, de se
relier et de se confronter à tout l’accomplissable à exprimer. Histoire de se
dépasser et renaître sans cesse à chaque poème et à chaque instant dans la
forge du faire et de l’être…

C’est bien de renaissance
qu’il s’agit dans la lumière de tous les vivants, par la grâce de ce pouvoir
d’émerveillement en exercice continuel de métaphysique concrète :

 

nous nous survivons à nous-mêmes

dans la lumière du poème

car nous savons que les mots

seront nos derniers échos

 

nous savons que le ciel

un jour nous coupera les ailes

car nous avons été cet enfant

qui a trop joué avec le temps

 

C’est ainsi que l’être se
crée en créant sa demeure et dépendances dans sa langue – c’est ainsi qu’il se
fait voix dans l’univers. Rien que ça dans le jeu du poème s’autorisant à
l’être : une musique, une énergie, un corps léger comme « corps de
gloire » où renaître, une rosace sensible emportés par leur mouvement vers
le grand Choeur dédié à la Création.

 

 

Françoise Urban-Menninger, Renaître dans le poème, éditions
Astérion, 88 pages, 10 euros.

 

Ne pas être de mon temps, ne pas être de ma vie…

« Je ne suis pas adroit, je suis droit » disait Armand Robin (1912-1961) qui s’est toujours voulu comme « en absence » d’une oeuvre personnelle pour poursuivre par la traduction le « rêve pré-babelien d’un langage édenique », vers « l’unité du verbe au-delà de toutes les langues » – et contre toutes les propagandes… Une figure de « poète maudit » trop parfaite ?

On supprimera la Foi

Au nom de la Lumière

Puis on supprimera la lumière.

On supprimera l’Ame

Au nom de la Raison

Puis on supprimera la raison (…)

On supprimera le Prophète

Au nom du Poète

Puis on supprimera le poète (…)

AU NOM DE RIEN ON SUPPRIMERA L’HOMME

ON SUPPRIMERA LE NOM DE L’HOMME

IL N’Y AURA PLUS DE NOM.

NOUS Y SOMMES.

Ainsi se déroule la liturgie prophétique d’Armand Robin, conçue à la manière d’une vanité baroque, Le Programme en quelques siècles – et écrite durant l’Occupation. Son auteur ne la voulait pas en poème, mais lancée comme un irrépressible cri de fureur, balancé à la volée en pamphlet versifié – et recueilli dans une brochure d’une anti-poésie d’urgence et de combat sous le titre de Poèmes indésirables. Armand Robin l’avait fait paraître en décembre 1945 à compte d’auteur  aux éditions anarchistes à 200 exemplaires et la distribuait dans le métro.  

Sa brève existence « n’a été que combats, assauts pour la délivrance d’un monde agonisant » constate Alain Bourdon, son ancien condisciple au lycée Lakanal : « Aux hommes qui n’ont pas d’existence, qui n’ont aucune espérance que dans le déploiement des forces de l’esprit, il a fait l’entier sacrifice de sa vie. »

Il est entré en poésie non pour paraître ou se montrer, mais pour signifier son refus d’ « être quelqu’un » voire revendiquer son « droit à l’inexistence » dans un monde de fraude et d’imposture où il voulait juste se voir en face sans s’y mirer ou s’y envisager.  Parce qu’il tient la poésie pour le « langage absolu », Armand Robin signifie simplement son besoin de faire, d’agir sans se couper de l’humanité la plus humble d’où il venait : « On dirait qu’il s’agit d’une vieille loi éternelle : plus ce qui est exprimé est, en principe, inexprimable, plus c’est fait de profonde rébellion – et plus est grande la nécessité de le formuler avec rigueur. »

La traversée des paroles

Armand Robin naît le 19 janvier 1912 dans une ferme isolée à Kerfloch, près de Plouguernevel , alors Côtes-du-Nord. Il est le dernier des huit enfants d’une famille de paysans pauvres frappés par le démantèlement de la société rurale traditionnelle.

 Par l’école communale, il passe du breton au français et part à Saint-Brieuc au lycée Anatole-Le Braz puis intègre à Sceaux la classe de Khâgne du lycée Lakanal où enseigne Jean Guéhenno (1890-1978), un grand écrivain de l’entre-deux-guerres qui l’honore de son amitié. Lorsqu’il échoue à l’oral de l’Ecole normale supérieure en juin 1931, Guéhenno lui écrit : « C’est en vous seul que j’avais absolument confiance ».

Une bourse lui permet des études de lettres à Lyon où il apprend le russe de surcroît. Il en fait sa « langue natale » et part, durant l’été 1933 en Union soviétique comme on gagne la « patrie mentale » d’une grande utopie… Il s’engage dans un kolkhoze pour les moissons et écoute les émissions radiophoniques soviétiques. Alors, il a l’intuition que ce que le peuple russe endure sera peut-être le sort de «  l’humanité tout entière »…

Sa mission lui apparaît dans toute sa clarté : si la parole du pouvoir ment pour asservir, lui, il « tiendra parole » – il allait oeuvrer contre « la fausse parole » des « entrepreneurs de domination psychique »…

De retour en France, il s’inscrit à l’Ecole des Langues orientales et apprend le chinois, tout en ajoutant à son tableau de chasse des langues rares comme l’hindi ourdou, le slavon, l’ukrainien ou le bahasa comme pour mieux s’oublier, se perdre ou se dissoudre.

Il  publie ses premiers poèmes dans Les Cahiers du sud en 1936 puis dans Europe, Esprit et La Nouvelle Revue française, ainsi que ses premières traductions de poèmes d’Essénine (1895-1925) dont il comprend le suicide… 

Ma vie sans moi paraît en 1940 chez Gallimard. Le recueil comprend 16 poèmes « personnels » de Robin – et 14 poèmes d’autres auteurs,  traduits par lui. D’emblée, il affirme le choix de la traduction sur une hypothétique reconnaissance par une publication présumée « personnelle ». Une négation de l’oeuvre propre par un passeur de poésie vécue ?

Il se marie le 24 octobre 1940 avec la poétesse surréaliste Jacqueline Allan née Dastros (1906-1977) – les témoins sont Jean Paulhan (1884-1968) et Paul Eluard (1895-1952).

Le 1er avril 1941 il est embauché au Ministère de l’Information comme « collaborateur technique», chargé des écoutes en langues étrangères, pour un salaire annuel de soixante mille francs.

Pour le cinquantenaire de la mort de Rimbaud il publie dans Comoedia en décembre 1941 : « Rimbaud fut poète aussi peu qu’il le put ; il supprima même ce peu » – une façon de parler de lui et du choix de la traduction pour empêcher sa voix propre en laissant s’exprimer toutes les autres…

Le Temps qu’il fait, son seul roman, paraît  en 1942 chez Gallimard, dédié à Jacqueline Allan « créature de poésie, avec toute ma foi » – surtout aux siens, « asservis à la glèbe ». Robin prend comme point de départ la mort de sa mère, survenue le 28 novembre 1933, ainsi qu’il l’écrit à Guéhenno : « Sa mort fut plus heureuse que sa vie, qui n’en fut pas une, mais plutôt une souffrance perpétuelle, une suite poignante de mauvais traitements journaliers ; elle vécut comme l’ombre d’une personne, sans avoir jamais pu parvenir à la dignité d’un être ; elle vécut dans la sujétion et dans une peur perpétuelle, n’osant exprimer la moindre volonté, car la moindre volonté était punie. »

Ainsi s’affermit une vocation née de l’écoute de la propagande : donner une voix à tous ceux qui en sont privés, parler pour les sans-voix, les sans-visage qui ont perdu la face et les laissés-pour-compte, pour trouver la parole libératrice…

Mais il lui est difficile d’accorder ses convictions profondes aux excellents rapports qu’il entretient avec Vichy – son ministre de tutelle, Pierre Laval (1883-1945), par ailleurs Président du conseil, le tient en haute estime…

En ces temps troubles de démission française, il collabore à la NRF dirigée par Drieu La Rochelle (1893-1945) et envoie le double de ses bulletins à la Résistance, tout en affirmant son anti-bolchévisme au nom du « vrai communisme ». Il s’emporte contre Aragon (1897-1982) et Eluard, ces « poètereaux bourgeois » prosoviétiques qui s’arrogent le monopole d’une poésie de la Résistance – ce qui lui vaut de figurer sur la liste noire du Comité national des écrivains après la Libération.

Limogé du ministère par arrêté du 30 novembre 1944, il poursuit son activité d’écouteur pour son compte, en dix-huit langues, avec en priorité l’anglais, le russe et l’espagnol.

Il  édite un bulletin bi-hebdomadaire d’analyse et de synthèse des émissions intérieures des pays captés jour et nuit, similaire à celui qu’il rédigeait au ministère, et adressé à une quarantaine d’abonnés dont l’Elysée, le Quai d’Orsay, le Vatican ou divers journaux dont Le Canard enchaîné. L’abonnement est facturé 17 000 francs en 1948 – cette année-là, il envoie au journal Combat trente chronique de ses écoutes, analysant notamment la soviétisation de la Tchécoslovaquie avec le Coup de Prague et la prise du pouvoir par Clement Gottwald (1896-1953).

 Cette activité sous le déferlement de propagandes désespérantes vomies par les « machines à paroles » devient une véritable expérience poétique qui le fait sortir « hors de sa vie » et de sa langue pour vivre toutes les vies en quête du verbe universel, ainsi qu’il l’écrit : « j’ai besoin chaque nuit de devenir tous les hommes et tous les pays ».

Un poète « dés-oeuvré »

Robin n’écrit pas pour être publié : « je voudrais travailler obscur et fort ». Son activité poétique s’exprime principalement à travers la transcription de la parole des autres : «traduire, c’est se traduire ». Il remercie les poètes russes qu’il traduit de l’avoir défendu contre sa propre poésie, « l’importune » – surtout pas de « poésie pour poètes »…

Sa courte vie a été une fuite, une négation de soi intimement liée à un besoin compulsif de se fondre dans la peau, la vie et l’oeuvre de tous ceux qu’il traduit comme le poète hongrois Endre Ady (1877-1919) ou Boris Pasternak (1890-1960).

Ses analyses rendent compte du contenu et du ton des discours de propagande avec des commentaires comme ceux de la nuit du 1er au 2 juin 1955  : « il apparaît évident que le monde soviétique est absolument incapable, même s’il le voulait, de supprimer la propagande obsessionnelle (…) et de se guérir du stalinisme. L’occidentalisation du langage a été poussée en ces radios si loin que le point extrême a été atteint : autrement dit, l’Occident n’a pas à redouter le péril le plus subtil qui pouvait le menacer : une Russie parlant sans aucune propagande. L’immobilisme du langage paraît, à travers ces radios, faire partie essentielle du bolchevisme. »

Pour lui, le monde soviétique est un monde capitaliste plus élaboré,  alors que la progagande occidentale encore immature cherche le « point mental » sur lequel appuyer pour la possession des cerveaux : « les apparences qui distinguent la fausse parole russe de la fausse parole non russe correspondent donc au fait qu’en-dehors de la Russie nous n’avons encore affaire qu’au précapitalisme »…

Robin réalise pour la R.T.F. à la demande de son directeur, le poète et dramaturge Jean Tardieu (1903-1995),  une série de dix-huit émissions, « Poésie sans passeport », du 14 octobre 1951 au 17 mai 1953.

La Fausse Parole paraît en décembre 1953 aux éditions de Minuit, nées dans la clandestinité sous l’Occupation – la même année que Poésie non traduite chez Gallimard  et la mort « du staline » qui le laisse orphelin d’un ennemi…

Dans la prière d’insérer il dit avoir «  inventé un métier qu’on exerce chez soi et grâce auquel on peut être transporté sur tous les points du monde où l’on parle ».

Il y analyse le fonctionnement de toutes les propagandes dont la caractéristique est « de ne rien dire », d’escamoter toute réalité derrière des écrans de fumée : « il s’agit d’une liquidation de l’entendement humain ». Il qualifie ses contemporains de « peuple de télécommandés », avec l’apparition de « l’engin à images » qui allait cadavériser de son vivant ( ?)  une humanité désormais assise, voire affalée devant le spectacle cathodique : « par lui, une chape d’hypnose pourrait être télédescendue sur des peuples entiers de cerveaux », prêts pour « l’abattoir mental » et l’esprit de fourmilière…

Sa solitude rebelle et revêche est adoucie par de grandes amitiés dont celle de Jules Supervielle (1884-1960)  – il écrivait : « Je m’ombrage de Supervielle comme d’un poémier »…

Le 5 mars 1961, un huissier saisit une partie de ses livres, ce qui contrarie ses projets d’ « installation » avec une jeune fille suisse. Le 27 mars il ferme derrière lui la porte de son appartement et s’enfonce dans la nuit de Paris comme sur les pas de Nerval (1808-1855). L’on signale une altercation dans un café de l’esplanade des Invalides dont le tenancier appelle Police-secours. Le 29 mars Armand Robin meurt à l’infirmerie spéciale de l’asile psychiatrique du Dépôt.

 France-Soir annonce trois semaines plus tard : « La mort du poète excentrique Armand Robin n’est plus mystérieuse : l’autopsie a révélé hier qu’il avait succombé à une embolie .»

Ses amis disent qu’il s’est « immolé à la poésie ». Une légende de « poéte maudit » prend son envol alors qu’il s’est voulu passeur de poésie résolument « dés-oeuvré ».

L’image d’eau libre de ce poème paru dans le recueil posthume Le Cycle du pays natal (La Part commmune, 2000) réuni par Françoise Morvan, originaire du même village, pourrait bien constituer une manière d’auto-portrait :

Toutes les autres vies sont dans ma vie

Ruisseau d’herbe en herbe étourdi

Je me fuis de vie en vie

Je dépasserai le temps,

Je me ferais mouvant, flottant

Je ne serais qu’une truite d’argent.

Pour en savoir plus :

Alain Bourdon, Armand Robin, collection « Poètes d’aujourd’hui », Seghers, 1981

Anne-Marie Lilti, Armand Robin le poète indésirable, éditions aden, 2008

Françoise Morvan, Armand Robin ou le mythe du Poète, Classiques Garnier, 2022

Paru dans Les Affiches d’Alsace et de Lorraine

Comment protéger les enfants, « gangrenés par la grande addiction du XXIe siècle » aux écrans, contre leurs effets pervers et neurotoxiques ? Les professionnels de terrain sont (presque) unanimes : il est urgent de s’affranchir de l’envoûtement exercé par l’omnipotente économie du numérique qui mène les sociétés sursaturées de technologies audiovisuelles vers une déshumanisation systémique.

Les effets délétères de la surexposition des enfants aux écrans commence à « faire débat », au-delà du cercle de certains parents et spécialistes jusqu’alors catalogués comme « alarmistes digitaux ».

La place envahissante qu’occupent smartphones, tablettes et autres gadgets de destruction massive de l’environnement comme des capacités humaines dans notre quotidien sursaturé d’imageries et d’injonctions digitales a provoqué un renversement anthropologique majeur. Ce renversement commence à interpeller jusqu’aux défenseurs des libertés publiques et aux professionnels des médias : « comment sortir les tout-petits de ce laminage technologique ? » interroge Michel Brillié, ancien directeur des programmes d’Europe 1, dans sa préface à l’ouvrage de Sabine Duflo, réédité en édition de poche.

Psychologue clinicienne et thérapeute familiale, cette dernière a pris acte de la si peu résistible extension du marché numérique dès le berceau et créé le collectif CoSE (Collectif surexposition écrans) : « Nous sommes, sans le savoir, entrés en lutte contre un système : celui de l’information audiovisuelle de masse, aux ramifications tentaculaires, aux liens très étroits avec le pouvoir. Un système qui connaît parfaitement les méfaits de ses productions sur le cerveau des jeunes et des moins jeunes et qui a installé depuis longtemps des garde-fous, des gatekeepers chargés de défendre ses intérêts. »

Car « tout se passe comme si dans nos sociétés libérales où le capitalisme est roi, les enfants et les adolescents étaient essentiellement considérés comme des parts de marché et non des sujets de droit ».

Ainsi, une  bataille inégale est engagée entre les « très-puissants acteurs de l’industrie du numérique et les professionnels de terrain : médecins, addictologues, psychologues, psychiatres ».

Le grand effacement

James Williams, ex-stratège de Google, déclarait que l’industrie de la tech est « la plus importante, la plus standardisée et la plus centralisée des formes de contrôle de l’attention de l’histoire de l’humanité ».

Sabine Duflo constate chez les très jeunes enfants de grandes difficultés attentionnelles, jointe à une grande agitation motrice, justifiant le diagnostic de TDAH (trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité). La triste corrélation avec l’addiction aux écrans s’impose d’elle-même, sans oublier les effets de la lumière bleue qui pertrube la sécrétion de mélatonine, l’hormone naturelle du sommeil. La dite addiction « ronge les développements les plus intimes du langage et de la pensée » et génère une « hypotrophie de la matière grise au niveau de l’hippocampe », selon les neurologues.

Sa conclusion, fondée sur une « observation simple et répétée », est sans appel : « Les écrans trop tôt, en trop grande quantité et sans attention portés aux contenus sont neurotoxiques ». L’antidote semble aller de soi : « quand on supprime les écrans, les symptômes de l’enfant diminuent ou partent et ne reviennent pas ».

L’addiction aux gadgets électroniques débite l’usager en infimes fragments d’attention, le divise contre lui-même et le fait partir à la dérive au gré des contenus « en ligne ». Qui, en vérité, aimerait se retrouver débité ainsi, à la merci d’obscures forces de dispersion et de prédation – et détourné de soi comme de son entourage ?

Car il s’agit bien d’un effacement de la famille, des proches et de l’école « au profit d’une éducation par les écrans » : l’enseignement numérique « rend impossible le développement de deux compétences humaines essentielles : l’attachement des êtres humains les uns aux autres, mais aussi l’attention, socle de tout apprentissage ».

Voilà plus d’une décennie, le journaliste Guillaume Erner prévenait dans le Huffington Post : « Livrez vos enfants aux écrans, les fabricants d’écrans continueront de livrer leurs enfants aux livres »…

En vérité, il s’agit d’une très vieille histoire : en 1889 (l’année de l’Exposition universelle, de la Tour Eiffel et du centenaire de la « Révolution »), l’industriel Lazare Weiler (1858-1928), patron des Tréfileries du Havre fabricant les premiers câbles sous-marins, déposait le brevet du « phorosphore » – le nom dont il désignait alors la chose même, devenue si invasive…

Au regard de ce que l’on sait sur les impacts tant écologiques que psychologiques et sociaux de ces gadgets, la priorité des priorités ne serait-elle pas de reconsidérer cette orgie d’écrans  « recréatifs » voire décrétés « indispensables » et de remédier à cette anesthésie des masses rendues étrangères à leur propre devenir ? C’est bien l’idée de plus en plus confuse de « civilisation » qui est sur le point de se dissoudre dans une flaque d’irréalité marchande et d’hallucination collective.

Paru dans Les Affiches d’Alsace et de Lorraine

Sabine Duflo, Il ne décroche pas des écrans ! – comment protéger nos enfants et nos adolescents, éditions l’échappée, 330 pages, 14 euros

« Le passé minier est un problème d’avenir, et pourtant, notre civilisation, fondée sur la mine, parie aujourd’hui plus que jamais sur l’exploitation des sous-sols » rappelle la journaliste et philosophe Celia Izoard. Le  XXIe siècle est-il « celui des métaux » ? D’ores et déjà, une  « ruée  extractive d’une  ampleur et d’une violence sans précédent » aggrave la crise écologique en l’escamotant au fond des mines. Tout ça pour alimenter une « nouvelle vague d’électrification planétaire » – et l’hallucination collective de « technologies vertes », grandes dévoreuses de matières premières comme de vies?

Mine de cuivre de Chuquicamata, Chili (22°19′ S – 68°56′ O).

Ceux qui tentent de penser le système socioéconomique mondial dans sa réalité métabolique le considèrent comme un système vivant rongé par une économie financiarisée au service d’elle-même et de sa propre prolifération – la métaphore médicale se file d’elle-même aux dépens de l’espèce présumée consciente et responsable d’elle-même…

Celia Izoard, spécialiste des nouvelles technologies au travers de leurs impacts sociaux et écologiques, se penche sur le refoulé de notre « confort moderne » : une maladie extractiviste dont les symptômes sont une « amplification sans précédent de l’activité minière afin de fournir les matières premières des technologies bas carbone : cuivre pour l’électrification, cobalt, lithium, graphite, manganèse et nickel pour les batteries, platine pour les électrolyseurs, etc. »

Ainsi, ceux qui prétendent « sauver la planète » donnent un « coup d’accélérateur historique » à sa destruction en incitant à réactiver « l’une des industries les plus énergivores et toxiques que l’on connaisse », tout en occultant délibérément les « conséquences catastrophiques de ces activités extractives : pollution des eaux, destruction de la biodiversité et des conditions de subsistance des populations, accumulation des déchets toxiques » – sans oublier la voracité du numérique, de l’aérospatiale et de l’armement…

Oui, mais promis : « la mine d’aujourd’hui serait « responsable, décarbonée, digitale et automatisée »… En d’autres termes : « Le récit d’une relance minière au nom de la transition est arrivé à point nommé pour justifier la ruée des Etats occidentaux sur les matières premières essentielles à la croissance, face aux superpuissances des ressources que sont devenues la Chine et la Russie ».

 C’est ainsi que la « transition » justifie toutes les prédations – et précipite la guerre des ressources pénuriques.

Une si providentielle « transition »…

La « Modernité », née à la Renaissance a fait passer l’espèce présumée intelligente de l’économie agraire de la féodalité à l’économie marchande. Celle-ci a généré une rupture écologique et philosophique avec une religion du Progrès « vouée à la transformation de la matière », forgée dans les complexes miniers et métallurgiques – notamment ceux du banquier Jacob Füger (1459-1525) en Allemagne, déterminants dans la constitution du capitalisme.

Depuis, cette économie dite « moderne » vise son propre accomplissement (la croissance de ses profits « quoiqu’il en coûte » à la collectivité…) au détriment de celui des hommes asservis à leur travail et à leurs addictions consuméristes- et au détriment de celui de la biosphère dévastée par un processus d’artificialisation, entamé avec homo faber et poursuivi selon une mortifère « cosmologie extractiviste ».

Si l’activité minière est connue depuis la plus haute Antiquité, le « capitalisme industriel », fondé sur l’exploitation du sous-sol, a transformé le monde en matière première potentielle : « Nous sommes les héritiers d’un monde essentiellement minier, d’une activité extractive qui n’a cessé de se radicaliser » – et d’exproprier les derniers peuples et communautés autochtones, anéantis dans un mode de vie « hors sol »…

D’évidence, selon d’éminents prospectivistes, une   logique évolutive réellement « intelligente » exigerait de réduire nos prélèvements sur la nature voire de passer d’une économie de prédation, « de l’overdose, de la névrose et de la nécrose » à une économie de symbiose bien comprise où « l’humanité » se réaliserait enfin…

Mais une imposture sémantique prolonge la compulsion productiviste, consumériste et croissanciste : elle s’appelle « transition énergétique ». Elle prétend remplacer l’extraction des énergies dites « fossiles » par celle des métaux, justement non renouvelables : « il suffirait de remplacer le pétrole et le charbon par des « technologies bas carbone » : photovoltaïque, éoliennes, nucléaire – pour faire fonctionner les véhicules électriques, des usines et des datas centers, pour produire de l’hydrogène par électrolyse afin de faire tourner des camions, des avions, des yachts, des containers, des cimenteries, etc. »

Ce mirage substitutif repose une fois encore sur les mines et les métaux, donc sur toujours plus d’extractivisme forcené : « En France, l’Académie des sciences note que « le programme de véhicules électriques français fait appel à des quantités de lithium et de cobalt très élevées, qui excèdent, en fait et à technologie inchangée, les productions mondiales d’aujourd’hui, et ce, pour satisfaire le seul besoin français. »

Or, il n’y a pas mine « zéro carbone » ni d’économie « immatérielle » et le cloud informatique ne conduit pas au ciel des pures idées – c’est juste le nouveau récit inventé pour « justifier une soif ininterrompue de matières premières » par de nouvelles strates d’infrastructures, d’équipements et de gadgets impayables pour s’anesthésier dans le leurre d’une « société de l’information » dont le fonctionnement nécessite une industrie lourde et l’extraction d’une quantité abyssale de métaux…

La mine demeure la « face cachée des économies occidentales » et le grand impensé qui en vérité exacerbe le processus d’accumulation énergétique. Dans l’histoire de nos sociétés thermo-industrielles et de notre condition technologique de plus en plus aliénante, les énergies, loin de se substituer, s’additionnent toujours en une dilapidation écocidaire : le développement de la dernière aberration promue par de « puissants intérêts », l’IA, requiert des gigantesques datas centers supplémentaires et le gaspillage d’halllucinantes masses d’eau douce pour les refroidir.

Jusqu’au siècle dernier, l’on trouvait dans le sous-sol des métaux dits natifs, preque à l’état pur : « Mais ces filons sont épuisés. Les métaux que l’on produit aujourd’hui proviennnet de minuscules paillettes de minéraux disséminés dans la roche à 300, 400  voire à 3000 mètres de profondeur »… Alors, comment extraire un nombre croissant de paillettes toujours plus profondément sans changer des régions entières en décharges chimiques à ciel ouvert, sans dérèglements terrestres et sans destruction des moyens de subsistance « des humains et des non-humains » ?

Le livre de Célia Izoard s’ouvre sur une hécatombe d’oies sauvages aux Etats-Unis (500 000 mines abandonnées comme autant de bombes à retardement), tuées par un lac d’acide sur le site d’une ancienne mine : « L’industrie minière est si efficace pour faire disparaître la vie sur Terre qu’elle nous permet d’anticiper ici-bas l’hostilité des dunes stériles de Mars ».

La thermodynamique n’autorise aucun miracle et la matière se rappelle aux « puissances » qui s’en rêvent affranchies. L’ordre humain ne peut se nourrir qu’en détruisant l’ordre terrestre. Le système socioéconomique humain ne peut durer (encore un peu…) qu’en consommant, avec des rendements décroissants, la néguentropie de son milieu naturel.

Alors, « des mines pour sauver la planète » ?

Appuyer sur l’interrupteur pour en finir avec l’accaparement ?

Si le rapport Meadows (1972) recadrait la chimère d’une croissance « illimitée » dans un monde-gisement issu d’un régime minier et confronté à ses épuisements, l’accaparement de toutes les ressources naturelles ne s’en poursuit pas moins frénétiquement – à commencer par celui des terres rares et des métaux si indispensables aux industries numériques. Ce qui se solde par de nouvelles destructions de terres arables ou de forêts, d’empoisonnement de l’eau douce et des océans, d’évaporation du pétrole et du gaz naturel. L’objectif proclamé de la « réduction des gaz à effets de serre » ne peut être atteint par la « poursuite et l’amplification » de ce régime minier auquel de « puissants intérêts » suspendent le destin des populations… Pourtant, « l’industrialisme justifie une nouvelle fois sa poursuite par une mystique de la technologie, selon laquelle on pourrait remplacer toutes les énergies fossiles par quelques métaux rares exploités avec génie – une nouvelle pierre philosophale »… Comme on substituerait la technosphère de quelques-uns à la biosphère de tous ?

Le point de non-retour est bel et bien atteint en ce XXIe siècle de dévastation où les problèmes se globalisent pour le pire. « Combien de métaux seront nécessaires pour passer de la 4G à la 5G » interroge Célia Izoard, alors que « la voracité de l’infrastructure de big data se déploie à toute allure dans l’indifférence générale » ?

Le modèle fondé sur le double pillage des ressources naturelles et des forces humaines ne peut plus être justifié par un fumeux « impératif de la transition » imposant son  état d’exception et son impérialisme minier : « Si le mot écologie a un sens, alors transition écologique et croissance numérique sont tout simplement incompatibles ».

Pour l’heure, « nous détruisons notre habitat pour en fabriquer un autre », artificiel et parasitaire, par une extension inavouée du domaine de l’extraction.  Le travail minier constituerait-il la « matrice de cette façon d’habiter la terre, caractérisée par une passion du déracinement » ?

Pourquoi ne pas déminer notre façon de vivre et de penser ? Et nous désencombrer l’existence de ces futilités, gadgets et nuisances qui l’entravent pour passer d’une inutile accumulation de biens à la véritable richesse de vie ? Pourquoi ne pas nous projeter dans d’autres imaginaires que celui d’une vie hors-sol électrique et digitale ?  Pour Célia Izoard, la question vitale ne devrait pas être : « aurons-nous assez de cuivre, de cobalt ou de lithium pour mener la transition énergétique ? » Mais : « comment déminéraliser notre quotidien ? »

L’humanité présumée consciente et prévoyante gagnerait à se construire en fonction non plus de ressources extérieures (matières premières, marchés, technologies, etc.) mais de ses potentialités intérieures à réaliser. Cela commence par notre sevrage tant métallique qu’énergétique : « Nous devons nous constituer comme force d’interruption (…) et nos propositions  doivent être pensées comme des moyens d’interrompre les processus en cours, mises au service de cette faculté d’interruption ».

Puisque le gadget de destruction massive nommé « smartphone » est « l’objet qui incarne le plus notre surconsommation de métaux », autant s’habituer à vivre sans – un « choix qui ne peut être porté que collectivement ». Ce modeste mais salutaire objectif ne devrait pas être insurmontable pour entamer la déminéralisation de notre « civilisation » – ou de sa contrefaçon numérique.

Le scénario du pire ne peut être conjuré que par la décroissance d’un monde ultraconnecté et énergivore. C’est-à-dire par un coup d’arrêt à la prolifération métastatique et dévastatrice de la production de gadgets technologiques, au déploiement de la 5 et 6G et un refus de la numérisation intégrale des services publics et de tous les aspects de l’existence. L’urgence devrait s’imposer d’elle-même, tant « les exemples de surconsommation criminelle courent les rues » dans la tragédie civilisationnelle en cours : « Rien ne justifie de produire des Tesla ou des BMW électriques de deux tonnes contenant des batteries de 700 kg. Rien ne justifie d’en faire la publicité, rien ne justifie de les subventionner, rien ne justifie de les acheter. »

Au terme de son enquête panoramique sur la mortifère fuite en avant de cet intégrisme industrialiste et extractiviste, Célia Izoard appelle la technique à « quitter les sous-sols et cesser de viser le ciel pour regagner la terre » – à juste cesser de nuire à un « bien commun » de plus en plus introuvable dans les écrans de fumée d’une « transition » fallacieusement baptisée « écologique » mais réellement écocide. Le sous-sol de la France, dit-on, regorge de ces métaux (lithium, cuivre, nickel, etc.) si « indispensables » à la fabrication de ce qu’il faudrait surtout s’abstenir de produire pour ne pas attenter au devenir humain… Et si les apprentis sorciers de la « transition » laissaient simplement la réalité décider de ce qui est ou sera au lieu de décréter la leur au détriment de tous les vivants ? Les plus grandes pollutions terrestres ne résultent-elles pas de pollutions intérieures, faute de conscience profonde de ce qui nous fonde et nous projette vers de nouveaux commencements plutôt que vers notre fin décrétée ?

Paru dans Les Affiches d’Alsace et de Lorraine

Célia Izoard, La Ruée minière au XXIe siècle – Enquête sur les métaux à l’ère de la transition, Seuil, 338 pages, 23 euros.

Voilà un siècle disparaissait Vladimir Ilitch Oulianov dit Lénine, considéré comme le fondateur  et théoricien du bolchevisme. Qui était-il vraiment ? Que reste-t-il du « mythe d’Octobre 1917 » ? De quoi est-il la matrice ? Face à l’évaporation de choses jusqu’à alors présumées être de la « richesse » ou du « capital », la perspective d’un « socialisme rêvé » comme d’une « société juste » ou d’une « économie de communion » s’éloigne comme un horizon inhabitable. Relèverait-elle de la persistance mentale d’un leurre collectif voire d’une imposture inavouée ?

Le « droit de vivre » ne semble pas aller de soi tant pour les individus que pour les populations parquées dans les enceintes ultraconnectées d’une contrefaçon de « civilisation » bien infantile. Se mendierait-il encore sur d’improbables places de « marchés » en proie à des flambées d’illusionnisme, se négocierait-il selon un rapport de forces bien pensé ou s’arracherait-il de haute lutte ?

Le « projet » bolchevique d’un peuple russe autogéré, vivant selon son idéal, semblait alors une réponse possible à la grande demande d’ «humanité » et de « justice » montant de toutes parts. Mais, une fois encore, il n’a pas créé un « espace de liberté démocratique » propice à l’épanouissement du « potentiel humain »…

Pour les historiens, « la révolution d’Octobre fut un fruit de la première guerre mondiale ». Pour les anarchistes russes comme Kropotkine (1842-1921) ou Voline (1882-1945), sa « seule utilité » fut « d’avoir donné aux masses de tous les pays (…) cette leçon pratique, indispensable (…) : comment il ne faut pas faire la révolution. » (1)

Un recueil de textes réunis et présentés par Jacques Baynac, avec la collaboration d’Alexandre Skirda et de Charles Urjewicz, n’occulte rien de « la nature du régime créé par Lénine ». Paru une première fois en 1975 et réédité en poche par les éditions l’échappée, il éclaire son « lien originel avec une terreur qui n’était en rien conjoncturelle mais bel et bien sa principale condition de survie ».

 « Communisme de guerre » (1918-1921) et Terreur rouge

Les lendemains de la prise du pouvoir par Lénine, « révolutionnaire professionnel » jusqu’alors en exil, sont pour le moins « difficiles » : la révolution prolonge le bouleversement social dont elle est née et peine à enrayer la désorganisation d’un pays hanté par le spectre de la famine. Or, on n’endigue pas ce fléau par des « restrictions » alimentaires ou des réquisitions brutales.

En deux ans, constate Jacques Baynac, « le cancer policier eut raison de la révolution » – ce n’était plus « socialisme ou barbarie » mais socialisme et barbarie… Ainsi, « les moyens barbares n’avaient pas vaincu la barbarie, ils l’avaient, naturellement, aggravée ; ils avaient vaincu le socialisme rêvé ».

Deux mois à peine après la prise du pouvoir par les bolcheviks, le décret portant création de la Vertchéka (« Commission extraordinaire panrusse »), est promulgué (7/20 décembre 1917) – et tenu secret pendant sept ans. Avec ses 31 000 fonctionnaires fédéraux, cette police politique (devenue Guépéou en 1922 puis NKVD en 1934) fait le « sale boulot de la révolution ». De l’aveu de leurs promoteurs, ces commissions extraordinaires ne sont pas des organes de justice, mais « d’extermination sans merci »… Les effectifs (civils et troupes) montent vite à 200 000 personnes au plus fort de la guerre civile.

Celle-ci accélère la concentration de tous les pouvoirs entre les mains du parti unique, baptisé « Parti communiste russe » lors de son VIIe Congrès, en mars 1918.

Dès l’été 1918, la révolution bolchévique  bascule dans le « terrorisme étatique ». Après la tentative d’attentat de Fanny Kaplan contre Lénine en août, le Comité central exécutif des soviets décrète la « terreur de masse contre la bourgeoisie et ses agents » – l’imprécision du terme « agent » autorisant tous les abus répressifs : « La Terreur a officiellement duré dix-neuf mois (septembre 1918-15 janvier 1920), ce qui donne une moyenne annuelle de 1,5 million de morts » – elle « fit donc environ 3,6 millions de victimes » sur un total de près de dix millions de morts dus à la Première Guerre mondiale comme aux guerres civiles de 1918-1920, aux épidémies et à la famine.

Pour Marx (1818-1883), « l’émancipation du prolétariat serait l’oeuvre du prolétariat lui-même » – mais « Lénine n’est pas marxiste »…

Les tensions culminent en mars 1921 avec la rébellion ouverte des marins et fusiliers de la flotte de la Baltique, sur l’île-garnison de Cronstadt, jusqu’alors fer de lance de la révolution d’Octobre. Elle est réprimée à coups de canon par Trotski (1879-1940), le fondateur de l’Armée rouge alors commissaire à la Guerre et à la Marine, au prix d’une dizaine de milliers de morts, suivis de milliers d’exécutions.

Lénine en tire les conclusions en annonçant l’abandon du « commnisme de guerre » et la mise en place d’une Nouvelle Politique économique (Nep), pensée comme un recul tactique momentané et s’accommodant d’un retour partiel à certaines formes d’entreprise privée.

En juin 1922, il est frappé par une congestion cérébrale, non sans avoir compris le déraillement de la machine bureaucratique qui lui avait permis de gagner la guerre… Staline devient secrétaire général du Comité central et proclame l’Union des républiques socialistes soviétiques (URSS).

Lénine meurt le 21 janvier 1924, l’année où la France reconnaît l’Union soviétique. Depuis un siècle, nombre de publications interrogent son héritage et revisitent son esprit dans un contexte d’ « anticapitalisme » croissant…

Le vrai Lénine, « père de la terreur » ?

Soljenitsyne (1918-2009) avait fait la démonstration que « Staline était dans Lénine ». Ce dernier a bel et bien créé cette « prodigieuse machine de terreur » qui allait si bien asservir une population entière – et servir à son successeur.

La question n’en finit pas de tarauder les historiens : « Pourquoi Lénine et Staline se condamnèrent-ils à mener une politique terroriste ? ». Tout simplement, rappelle Michel Heller dans un article paru une première fois dans Libre (n°2, 1977) parce que « l’exercice intense de la terreur leur convenait tout à fait ». Et parce que la terreur est « l’unique moyen de garder le pouvoir »…

En ce sens, il n’y a pas eu de détournement stalinien du léninisme : « La politique de Lénine – une terreur massive, impitoyable, frappant la population entière et réalisée grâce à une arme toute-puissante, dégagée des lois, uniquement dévouée à une idée abstraite et à son incarnation, le Guide, portait ses fruits. L’effroi suscité par l’activité de la Tchéka aura été le principal facteur de la victoire du parti bolchevique. »

Ce que le publiciste Illya Ehrenbourg (1891-1967) résume ainsi dans un texte publié en 1964 : « Deux syllabes terribles et angoissantes pour tout citoyen qui vécut les années de la révolution, deux syllabes apprises avant « maman » même, puisqu’on recourait à elle pour effrayer l’enfant au berceau comme autrefois au « croquemitaine », et qui hantaient ces malheureux jusqu’après leur mort, dans la fosse commune, deux syllabes toutes simples qu’il n’est donné à personne d’oublier… »

Les tentatives de faire d’ « Octobre 1917 » le « catéchisme » des grandes espérances collectives, forcément déçues, ne peuvent dissocier cette période d’une mémoire collective des crimes du Xxe siècle.

Depuis, la machine infernale à détruire ce qui « fait société » s’emballe à nouveau à plein régime avec un « globalisme » fantasmé et liberticide dont les dictats nihilistes, assénés au nom de « nobles causes », poussent les populations vers leur fosse commune d’ores et déjà creusée par leurs défaites passées.  

Jusque là, leurs lendemains glaçants sans avenir sont plombés par leurs addictions ou pulsions consuméristes comme par leurs lâchetés, leurs soumissions, cécités voire rageurs dénis de réalité. Tout comme les autoroutes de leur servitude sont pavées par leurs renoncements à l’essentiel qui fonde le présumé « humain ».

Une autre « révolution transcendantale » germerait-elle  dans les interstices en ces temps de destruction ? Arrachera-t-elle l’espèce présumée pensante à la force d’attraction de l’abîme pour la ramener en sa seule vraie demeure ?

Paru dans Les Affiches d’Alsace et de Lorraine

  • Voline, La Révolution russe, Libertalia, 2017

Jacques Baynac, Alexandre Skirda & Charles Urjewicz, La Terreur sous Lénine, éditions l’échappée, 380 pages, 14 euros.

Le bleu « ne fait pas de vague » selon l’expression de Michel Pastoureau, mais pourtant il donne le mal de mer à Maggie Nelson qui échangerait « tout le bleu du monde » contre une présence  inspirée ou inspirante à ses côtés. La poétesse américaine l’étend en possibilité flottante comme une ombre sur la création et se refuse à un monde sans voix face à l’insoutenable.

Les diverses nuances de bleu, de celui du ciel d’été, de l’algue des origines ou des pierres au « bleu de Hué » impérial ou celui de la bâche des sacs-poubelles, peuvent-elles être assimilées à des « empreintes de Dieu » ? Le bleu a-t-il le pouvoir d’allumer de l’espoir dans une conscience ? Ou bien est-il simplement « consensuel », faute d’être vraiment stimulant ?  

La poétesse et critique d’art Maggie Nelson dit être « tombée amoureuse d’une couleur (…) comme on tombe dans les rets d’un sortilège ». Sur les traces de Blaise Pascal (1623-1662) cité en exergue, de Goethe (1749-1832) ou de Michel Pastoureau, elle compose Bleuets, une méditation poétique en 240 fragments oscillant entre le poème, l’autofiction et l’essai. Que dit le bleu de la difficulté extrême d’être un hum’Un jeté au monde ? Il y est question de la douleur d’une amie accidentée aux « pieds devenus bleus et lisses à force de ne pas servir », du « cyanomètre » de Benedict de Saussure pour « mesurer le bleu du ciel » (1789), du famous blue raincoat de Leonard Cohen (1934-2016) ou des « vérités qu’on a besoin de colorer pour les rendre visibles » (Joubert) jusqu’au « genre de bleu » des jacarandas en fleurs. On y rajouterait volontiers le « genre de bleu » spectral du temps d’écran de nos contemporains vaguement « pathologisant » selon de récentes expertises, celui des Schtroumpfs, de la série australienne Bluey, du maître céramiste Théodore Deck (1823-1891) – ou encore le roman Bleu, je veux (1983) de Gisèle Bienne…

Le voyage dans le bleu se poursuit en beauté jusqu’à « l’obscurité divine » du présumé Denys l’Aéropagite pour  se prolonger en guise d’aveu : « si cette planète ne manque pas de quelque chose, c’est bien de bleu »… Alors, de quoi dit-il le manque ? Le véritable aveu accompagne l’évocation de sa « princesse du bleu », sa principale « pourvoyeuse de bleu, de haut vol qui plus est » – et la citation finale de Simone Weil (1909-1943) : « L’amour n’est pas une consolation, il est lumière. » Tout ce qui précédait aurait-il été une tentative de « le formuler autrement » par un détour monochrome, en quête du bleu intense, du bleu outre-vie ou d’un bleu philosophal pour accomplir l’oeuvre de beauté ? Le coeur des hommes ou l’âme des roses s’apprend-t-il en bleu ? La poussière retombée de tous les empires terrestres nourrit-elle l’ombre d’une seule rose bleue ?

Une chose est sûre, depuis Yves Klein (1928-1962) et ses outremers pour le moins : le bleu n’a pas de prix et aucune bluette en vogue n’abolira sa face cachée,  irradiée ou torentielle.

Poésie, avis de mobilisation générale

Quelque chose de brillant avec des trous, paru pour la première fois aux Etats-Unis en 2007, et traduit comme arraché au temps par Céline Leroy, mêle la forme poétique à une méditation intemporelle sur le désir, le chagrin, la perte, l’accident – et sur la liberté grande comme sur la joie armée, car il en faut, lors de ces visites dans les unités de soins intensifs des hôpitaux où des amies chères endurent leur Passion…

Au commencement, il y a la « communion dans l’être » des métaphysiciens – enfin, son annonce, son espoir ou sa promesse :

Vivre comme si tout annonçait le bien-aimé

Et c’est le cas

Puis la purge

L’affectivité nourrit le corps humain comme la littérature, elle irrigue la poésie, libère le poème en apnée – ou la valeur des mots… Mais quel miracle permet aux mots d’être grâce et poésie, rien que poésie ?

Tu n’as pas la moindre idée

Du genre de lumière que tu laisseras entrer

Quand tu feras tomber ce bol,

Aucune idée

De ce qui te remplacera

Mais il y a tout ce que les humains peuvent être avant d’envisager leur « remplacement » ou effacement – car avant, il y a leur participation à un monde en perpétuelle tranformation. La poétesse leur donne voix – ou plutôt elle refuse un monde sans voix, en sempiternel désarroi jusque dans le grincement de ses rouages fatigués. Alors, elle reprend ses dés – pour mieux les jeter, après Mallarmé (1842-1898) ou Einstein (1879-1955), à la face de l’absurde :

Les aurores boréales sont imprévisibles jusqu’à leur apparition

En fait, tout joue contre une bonne aurore boréale

L’attrait du mot doux n’a pas été éliminé

Il s’est juste élimé

Arrête de secouer la blessure

Si tu veux voir quelque chose de splendide

Regarde les Pléiades

Jamais un coup de dés malencontreux, une contrariété inexpiable ou l’impensable persistance du malheur universel n’abolissent la poésie. Elle est le pari gagnant contre l’insoutenable. Mieux : elle mobilise contre lui. Maggie Nelson trace la ligne de front comme la ligne des sentiments dans le dénouement de l’Autre à soi ou de l’être au néant, en un art poétique qui risque sa chance à l’épreuve des possibilités du langage, aussi loin que va le souffle de Vie, jusqu’à l’Ultime, faisant force de son « infracassable noyau de nuit » jeté contre cette haletante communion dans l’être pour sans cesse ressaisir ce qui ne ment jamais.

Paru dans Les Affiches d’Alsace et de Lorraine

Maggie Nelson, Bleuets, éditions du sous-sol, 96 pages, 8,50 euros

Quelque chose de brillant avec des trous, éditions du sous-sol,  112 pages, 17 euros

Les intérêts de « l’industrie numérique » dictent le rythme de nos existences sur leur tempo – une « doxa de l’inéluctable » qui nous précipite vers une « transmutation civilisationnelle » sans retour dans un monde virtuel sans limites et sans corps . Le philosophe Eric Sadin met en garde contre la « pixellisation toujours plus intégrale de nos vies » par un « capitalisme de la dévoration ». Notre irrépressible addiction au smartphone aurait-elle «  inauguré le premier âge de notre condition métaversée » dans l’enfer « numérico-spectral » d’un sournois « déclassement de nous-mêmes »?

Voilà une génération apparaissait une espèce nouvelle, l’Homo connecticus, qui exige un monde à sa portée – c’est-à-dire à portée de clic depuis son salon. Histoire de mieux prendre ses désirs pour la réalité, elle se fait assister par une « myriade de spectres numériques omniscients » –  et se laisse guider par une prolifération d’applications et de systèmes robotisés dans les moindres situations de son existence. Jusqu’à confondre les flux de la vie avec les flux numériques dans une automatisation intégrale de ses petites affaires si humaines, après avoir consenti au « tournant injonctif » de la technologie, avec sa métaphysique nihiliste d’une présumée « toute-puissance du numérique » et son obsession de « dématérialisation », c’est-à-dire d’annihilation du réel dans des circuits de silicium.

Ainsi, l’espèce décrétée « adaptable » se retrouve précipitée dans l’ère de la « captation automatique des données personnelles » et de la « substitution algorithmique » de ce qui fait le présumé humain. Les « performances » de ce dernier sont désormais alignées par ces « protocoles de guidage automatisé » sur celle du « système d’exploitation » qui le dissout dans son « projet » utilitariste. La captation des flux physiologiques et psychologiques  d’une humanité désormais absente à elle-même nourrit une « économie de la donnée et des plateformes » d’un « complexe numérico-industriel » qui lui impose la rythmique frénétique d’un « surréalisme algorithmique » et un « devenir-légume » sans avenir de déportés dans le virtuel.

Une humanité assise…

Dès 1747, Julien Offray de La Mettrie assimilait l’homme à une « machine montant elle-même ses ressorts » (L’Homme-Machine).. Depuis, une industrie redoutable, pour qui la vie privée n’est plus une « norme sociale », absorbe les corps et les esprits d’une humanité atrophiée, désormais assignée devant une surface de verre – mise sous écrou face à un écran et passée au laminoir d’une « transition » non pas « écologique » mais hyperindustrielle qui ne connaît que la loi de son accélération à tombeau ouvert dans une folle fuite en avant dévoreuse de ressources et de terre…

La fixité voire le « libre internement » des corps d’une humanité assise, dépossédée et pixellisée ne mobilise guère d’éventuels « rebelles » ou autres « insoumis » que ces normes d’assignation devraient alerter – la rebellitude semble ne plus faire mouvement que pour une gazeuse « éco-anxiété » revendiquant son intégration au merveilleux monde numérique et ses promesses d’illimité sur une planète surexploitée…

Aurions-nous d’ores et déjà consenti à être dépossédés de notre « faculté à composer librement avec le réel » au profit d’une systématique machinique ?  Avons-nous vraiment consenti à cette « technologisation des rapports humains » ? Aurions-nous abdiqué toute notre vie à une machinerie ordonnatrice présumée nous délivrer de « la pensanteur de notre être » ?

En vrai penseur de la numérisation du monde, Eric Sadin a pris acte de ce statut anthropologique inédit qui voit « la figure humaine se soumettre aux équations de ses propres artefacts » et consentir à un modèle économique qui « fait du principe de l’intermédiation et de la désincarnation des rapports entre les êtres l’un de ses principaux gisements de profits ». L’espèce présumée pensante et prévoyante consentirait-elle jusqu’à son propre effacement ?

Depuis les premières vitrines du capitalisme marchand, l’individu « postmoderne » et techno-zombifié, mis sous écrou entre les parois d’une prison de verre luminescente, s’est laissé mener bien au-delà d’une « société de consommation » où tout se vend dans la banalisation de tout. Il est entré « à l’insu de son plein gré » (ou pas…)  dans l’âge du technolibéralisme spectral qui monétise le moindre de ses souffles catarrhal pas encore « décarboné »… Formerions-nous désormais une « société fantôme » ou plutôt une dissociété spectrale ? Le philosophe voit émerger un « agrégat de monades, évoluant sans règle claire, en parallèle et assez aveugles les uns aux autres », sous guidage algorithmique, actant « l’agonie d’un certain contrat social »…

Tout se passe comme si nous laissions l’inépuisable richesse poétique du monde se réduire au « cadre lisse et exigu de nos écrans » accompagnant continuellement nos existences jusqu’à notre dévitalisation, jusqu’au « renoncement à nous-même » conduisant à l’effacement du devoir de responsabilité dévolu à chacun ».

Un monde sans assise…

L’illusion d’affranchissement de soi exacerbe la désorientation et la défiance collectives, « alimentées par une certaine industrie qui, dorénavant, conçoit des dispositifs voués à procurer l’unique jouissance de faire parfaitement correspondre notre plus haute conception de nous-même – mais sans avoir jamais pu l’atteindre – et notre extérieur : l’avatar »… Prière de se (con)fondre avec son « avatar » ou « profil…

L’industrie numérique parviendra-t-elle à faire passer une non-vie de techno-junkie déplaçant au fil des mouvements de clavier des simulacres pixellisés de lui-même pour la « condition humaine normale » ?

Le philosophe pressent que « l’adieu annoncé au corps, l’adieu annoncé aux facultés de notre esprit, c’est l’adieu programmé à notre élan vital, et l’accueil insidieux fait à la mort » – à en juger la « nécromancie algorithmique » encouragée par des systèmes de conversation robotisés (deadbots) avec nos disparus…

S’agissant du dernier « miracle » technico-économique claironné par une « dynamique de l’innovation de plus en plus folle », l’expression d’« intelligence artificielle » ne recouvre rien d’autre qu’une « puissance d’expertise automatisée du réel » – rien moins qu’une vision du monde transcrite dans une « énonciation robotisée de la vérité », fondée sur une puissance de calcul orchestrant la « mise au ban de l’humain ». La prétendue « complémentarité homme-machine » consomme « la déprise de notre faculté la plus fondamentale : celle de produire du langage ». Avons-nous vraiment besoin de technologies écrivant à notre place ? C’est-à-dire d’un verbe machinique, d’un « langage industrialisé et standardisé » appelé « à tuer le génie qui est en chacun de nous autant qu’à priver de leur substance et de leur sel les relations humaines » ? Avons-nous besoin de « technologies d’abolition de nous-mêmes » ?

Eric Sadin invite à considérer le « modèle civilisationnel qui, à bas bruit, s’institue » avec l’IA, sous couvert de « facilitation du quotidien » – et à prendre conscience de ce qui nous « déleste » de nos facultés jusqu’à « l’amputation de notre âme ». Il rappelle l’enjeu moral, politique et civilisationnel en cours, celui de la « langue la plus vivante qui soit – celle que nous voulons parler en notre nom et dans un ensemble vraiment commun ».

Le penseur du numérique refuse le discours de l’inéluctable et l’utilitarisme généralisé assénés par une techno-idéologie prétendant imposer un « ordre unilatéral et infondé des choses ». Il appelle à réaffirmer nos exigences fondamentales, à faire émerger des contre imaginaires et des contre discours témoignant de la « nature irréductible de l’expérience humaine » laquelle ne saurait se réduire à une « schématisation univoque et définitive ».

Cela suppose une « simultanéité d’opérations menées partout où elles doivent l’être », contre une « puissante coalition qui est en train d’organiser un effondrement civilisationnel » – contre un système qu’il qualifie d’ « abjection culturelle et civilisationnelle »…

En d’autres termes, il s’agit bien de mettre fin à ce « bannissement de l’essence de nous-mêmes » et de renouer avec une réalité humaine échappant à la mise en concurrence des individus, à « l’interchangeabilité continue des êtres », à la « prise en charge » de l’intégralité des existences et à la « contrôlocratie » insidieusement mise en place, faisant fonction de fantasme de « civilisation »…

Reprendre pied dans un monde commun pour y conduire nos vies en conscience et en liberté, cela suppose une « véritable éthique de l’action ». Cela commence par l’acte simple de briser le miroir de la servitude volontaire : plus on compte nous déposséder de notre pouvoir d’agir, plus chacun doit « se montrer agissant », que ce soit en refusant tout capteur ou objet connecté générant des données exploitables ou en initiant d’autres façons d’ « être en commun » en des lieux sensibles…

Face au désert qui avance, il n’est jamais trop tard pour lever les yeux de l’écran, refuser le « régime de l’accompagnement algorithmique de nos existences » et puiser dans sa substance pour constituer une « contre-vague » de consciences à ce « processus de négation de nous-mêmes » : « Car, comment est-il concevable de se soucier de la préservation du vivant qui est en nous et duquel tout le reste ne peut que dépendre ? »

 Eric Sadin est également poète et invite, contre le  spectral et la normativité algorithmique, à « célébrer notre pleine présence au monde », « l’élan de créativité qui, au quotidien, doit nous animer », dans la « pleine expression de notre puissance de vie et de notre loi morale ». En somme, reprendre voix, faire une chorale de voix qui ne veulent pas s’éteindre ni « déexister » en agrégat de données calculables et prédictibles– pour, peut-être composer une symphonie d’un au-delà de l’écran. L’être questionnant et interrogateur ne meurt pas – il instaure son horizon puisque l’univers l’y porte.

Paru dans Les Affiches d’Alsace et de Lorraine

Eric Sadin, La Vie spectrale – Penser l’ère du métavers et des IA génératives, Grasset, 270 pages, 19,90 euros

Anna Akhmatova (1889-1966), sacrée en son temps «   tsarine de l’art poétique russe », « reine de la Neva » ou baptisée « l’âme de l’âge d’argent » a donné voix aux femmes en leur « apprenant à parler de l’amour » tout en oeuvrant au renouvellement des lettres russes. Elle a vécu aussi le pire de l’histoire de la Russie : recluse et interdite de publication sous la dictature bolchévique, elle incarne la douloureuse résistance de la poésie face à l’infamie , l’innommable et l’insoutenable.

 Dès qu’elle paraissait en ses jeunes années, Anna Akhmatova était considérée comme « la poésie elle-même, son incarnation la plus haute et la plus pure » (1).

 En deux minces recueils intimistes et autobiographiques (Le Soir  et Le Rosaire, parus en 1912 et 1914), elle devient l’étoile montante de la jeune poésie russe. Sacrée « prêtresse de l’amour », elle crée l’événement à chacune de ses lectures publiques. Les jeunes filles subjuguées imitent sa façon de s’habiller, de se coiffer – et jusqu’à sa manière d’écrire. Le jeune Boris Pasternak (1890-1960), un de ses soupirants transis, invente le terme « akhmatovka » pour désigner la ferveur autour d’elle.

Pour elle, la poésie est d’abord affaire de précision : « Il faut que dans le vers chaque mot soit à sa place, comme s’il y était depuis mille ans, mais que le lecteur l’entende pour la première fois. C’est très difficile, mais quand on y parvient, les gens disent : « C’est de ça qu’il s’agit. C’est comme si c’était moi qui l’avait écrit. »

Alors que son pays est précipité dans la première boucherie mondiale, la jeune poétesse célébrée par sa génération  écrit :

Ma bouche ne sait plus sourire

Le vent d’hiver glace mes lèvres

C’est lorsqu’une espérance expire

Qu’une chanson de plus s’élève

Le si prometteur «  Siècle d’Argent » s’achève avec cette entrée en aberration guerrière : « Nous avons vieilli de cent ans, et cela est arrivé en une heure » constate celle dont les intensités vitales et poétiques se confondent désormais avec le pire de l’histoire de son pays – dans une douleur inexpiable.

De « l’acmé de la poésie » à l’accomplissement

Elle naît Anna  Andreïevna Gorenko le 11 juin 1889 à Bolchoï Fontan ( banlieue d’Odessa) dans un milieu aisé. Elle apprend le français et, dès l’âge de onze ans, écrit des poésies. Mais son père, ingénieur de la marine, refuse qu’elle les signe de son nom d’état-civil. Alors elle prend celui d’une arrière-grand-mère tatare. Le triple « A » de ses nouvelles initiales et les cinq « A » de sa signature la placent « en tête de l’alphabet de la poésie russe » (2).

 Ses parents se séparent en 1905. Anna suit sa mère, avec ses frères et ses soeurs, à Kiev où elle entame des études de droit.

En 1908, elle publie son premier poème dans la revue Sirius, rédigée en russe à Paris par son ami d’enfance Nicolas Goumilev (1886-1921), qui lui fait une cour assidue.

Faute d’avoir rencontré « le grand amour », elle se résout à l’épouser le 25 avril 1910. Les jeunes mariés passent leur lune de miel à Paris où elle rencontre la bohême de Montparnasse dont Modigliani (1884-1920), alors inconnu. Anna n’est pas une épouse soumise : elle retourne seule à Paris l’année suivante, et inspire à l’artiste une série de seize nus, d’après les reines égyptiennes qu’ils admirent au Louvre.

Elle fonde avec Gourmilev et Ossip Mandelstam (1891-1938)  « l’Atelier des poètes », devenu le pivot du mouvement « acméiste » (du grec akmé qui signifie « pointe, maturité, fleur »). Le jeune mouvement  réunit entre 1911 et 1914 une quinzaine de créateurs de Saint-Petersbourg. Il se veut une réaction à l’hermétisme symboliste du XIXe siècle auquel il oppose le réalisme, la « clarté et la concision » de la langue : « La poésie doit être l’acmé de la parole, le moment où les choses atteignent le maximum de leur splendeur ». 

1912 est pour Anna une année d’accomplissement : elle publie son premier recueil,  Le Soir, imprimé à 300 exemplaires et met au monde son fils Lev le 1er octobre.

En 1913-1914, elle est engagée dans une relation « polygonale » entre  Nikola¨Nédobrovo (1882-1919) qui lui consacre un essai, le compositeur Arthur Lourié (1892-1966) et le poète Mikhaïl Lozinski (1886-1955). Goumilov écrit alors : « De la ville de Kiev/D’une tanière de vipères/j’ai pris non une femme – une sorcière… »

Le troisième recueil d’Anna,  La Troupe Blanche, fait un triomphe en 1917. Ariadna Ivanov-Williams brosse d’elle ce portrait : « Une force envoûtante émanait de sa personne comme de ses poèmes. Fine, grande, élancée, tournant fièrement sa petite tête, enveloppée dans un châle fleuri, Akmatova ressemblait à une gitane. Nez busqué, cheveux sombres tombant en courte frange sur le front, resserrés sur la nuque par un grand peigne espagnol, mince et petite bouche souriant rarement, yeux foncés, sévères. Il était impossible de ne pas la remarquer, de passer près d’elle sans l’admirer. Les jeunes gens commençaient à s’agiter lorsqu’elle montait à l’estrade pour réciter ses vers. Elle le faisait de belle façon, consciente de son charme féminin, mais aussi avec la majestueuse assurance d’une artiste qui connaissait sa valeur. »

L’autre jeune étoile de la poésie russe, la moscovite Marina Tsvetaëva (1892-1941), lui écrit des missives enflammées ou  des poèmes la qualifiant de « Magicienne aux blanches mains », de « Muse des pleurs » ou d’ « Anna à la bouche d’or de toutes les Russies ». Mais l’admiration n’est pas réciproque…

Anna éprouve une brève passion contrariée pour le poète et peintre Boris von Arnep (1883-1969) qui lui inspire une quarantaine de poèmes passionnés en 1915-1917.  Mais elle ne l’accompagne pas à Londres après la « Révolution d’Octobre ». Celle-ci détruit son monde et disperse son public.

La poétesse et le dictateur

Fin 1918, Anna épouse Vladimir Chileïko (1891-1930), spécialiste des écritures cunéiformes, traducteur de la poésie sumérienne. Mais l’éminent assyrologue se révèle violent en privé et elle le quitte en 1921.

Cette année-là, son ex-mari Nikolaï Gourmilov est exécuté pour « complot contre-révolutionnaire » au terme d’un procès truqué – le premier du genre, suivi de bien d’autres… Le nouveau régime renoue avec  une vieille tradition « poéticide » de l’autocratie, depuis l’absolutisme  tsariste – spécialiste de Pouchkine (1799-1837), Anna connaît fort bien la question…

Elle publie Le Plantain, son quatrième recueil, et se refuse à l’exil qu’elle tient pour une trahison envers son peuple dont elle entend partager le sort pendant la Terreur bolchévique qui fait couler le sang ouvrier et paysan. Son  cinquième recueil  Anno Domini MCMXXI (1922) s’avère le dernier avant longtemps : elle va être interdite de publication pendant dix-huit ans.

Elle compte encore nombre d’appuis dans un pays qu’elle ne reconnaît plus. En 1925, l’historien d’art Eric Hollerbach (1895-1942) fait paraître une anthologie de cinquante poèmes qui lui sont dédiés par d’autres. L’Image d’Akhmatova est richement illustrée de photos, de portraits, bustes et statuettes que les meilleurs artistes du moment réalisent d’elle.

Mais cette année-là, un « publiciste » du régime écrit : « Nous ne pouvons compatir avec une femme qui n’a pas su mourir à temps ».. Dès lors, « enterrée » à trente-six ans , elle incarne une parole poétique de résistance clandestine. Ses amis apprennent ses poèmes par coeur pour les transmettre oralement…

Elle épouse l’historien d’art Nikolaï Pounine (1888-1953) en 1926. Nommé directeur du département des Beaux-Arts au Commissariat du Peuple à la culture et l’éducation, il jouit des faveurs de son ministre, Anatoli Lounatchansky (1875-1933).

Mais le 22 octobre 1935, il est arrêté avec le fils unique d’Anna, Lev Goumiliov (1912-1992), par la police politique de Staline (1878-1953). Elle écrit alors au dictateur, et la libération des deux hommes intervient fin novembre.

Son poème « Pourquoi cette eau empoisonnée » interroge la figure du bourreau et du poète : « Pourquoi avez-vous empoisonné l’eau/et  mêlé mon pain à l’ordure ? Pourquoi de l’ultime liberté/faites-vous un lupanar ?/Parce que je n’ai pas ri/de la mort amère de mes amis ?/Parce que je suis restée fidèle/A ma triste patrie ?/Soit.Sans le bourreau et l’échafaud/Il n’y aurait pas de poète sur terre. »

Le 10 mars 1938, son fils est à nouveau arrêté et condamné à cinq ans de travaux forcés. Cette fois-ci, ses lettres demeurent sans effet. Sa jeune confidente, Lydia Tchouckovskaïa (1907-1996), témoigne : « De toute sa personne, de ses paroles et de ses actes, de sa tête, de ses épaules et des gestes de ses mains émanait cette perfection qui n’est le propre en ce monde que des grandes oeuvres d’art. Le destin d’Akhmatova – ce quelque chose de plus grand que sa propre personne – modelait sous mes yeux en cette femme célèbre et délaissée, forte et désarmée, une statue de la douleur, de la fierté et du courage. » (3)

La Grande Guerre Patriotique lui rend un rôle et une audience. Admise à l’Union des écrivains, elle passe les années de guerre à Tachkent en Asie centrale.

En 1941, elle renconte enfin Marina Tsvetaëva. Leur entrevue  dure deux jours – elle avait consacré un poème à sa cadette en Russie sans oser le lui lire.

Dans l’après-guerre, des entretiens (décembre 1945-Janvier 1946) avec le jeune philosophe Isaiah Berlin (1909-1997), alors deuxième secrétaire à l’ambassade britannique à Moscou, chargé d’analyser « l’état d’esprit des artistes et écrivains soviétiques » la rendent à nouveau suspecte.

En août 1946 un violent réquisitoire de l’idéologue Andreï Jdanov (1896-1948) la condamne à nouveau au silence : « Anna Akhmatova est l’un des représentants de ce marécage littéraire sans idéal et réactionnaire (…) La thématique d’Akhmatova est d’un bout à l’autre individualiste. La dimension de sa poésie se borne à la médiocrité, c’est une poésie d’aristocrate enragée, entre le boudoir et le couvent (…) Akhmatova avec sa petite vie personnelle, étroite, ses émotions futiles et son érotique mystico-religieuse. »

Alors qu’elle compose son Requiem qui entremêle poésie et prière, douleur personnelle et douleur collective contre l’insoutenable   (« Si je prie, cen’est pas pour moi seule/Mais pour tous ceux qui ont avec moi attendu »), elle est terrassée par un premier infarctus en mai 1951.

La mort de Staline le 5 mars 1953 désserre l’étau autour d’elle. Dans la bibliothèque du dictateur figurait une édition méticuleusement annotée de son premier recueil, Le Soir…  C’est là un grand mystère dans son absolu poétique : tout en faisant le vide autour d’elle, par  l’exécution ou la déportation de ses compagnons, le maître du Kremlin avait étrangement veillé à la garder vivante, envers et contre tout…

Le « dégel »

En 1964 sous Leonid Brejnev (1906-1982), Anna Akhmatova est autorisée à se rendre en Italie pour recevoir le prix international de poésie Erna-Taormina à Catania, dans le Palazzo Orsengo : « une tsarine de l’art poétique recevait l’hommage du corps diplomatique de la littérature mondiale » constate le critique Hans Werner Richter (1908-1993).

Le poète ukrainien Mikola Bazhan (1904-1983) se souvient de cette tournée triomphale dans « le monde libre » : « Je regardais son profil pur, beau, fier et dont la ligne n’avait aucunément été altérée par le temps. Fille de l’Ukraine, elle avait gardé dans ses traits la beauté pensive des filles aux cheveux bruns du Sud. Mais ayant vécu presque toute sa vie au Nord, dans le sévère et majestueux Leningrad, elle avait dans son allure l’empreinte de cette sévérité et de cette majesté. »

Ce qu’Akhmatova avait perdu en beauté gracile, elle l’a gagné en majesté – sans rien céder de sa souveraineté.

En 1965, elle est reçue docteur honoris causa à Oxford avant de faire un arrêt à Paris – et de succomber à un quatrième infarctus le 5 mars de l’année suivante, près de Moscou, le même jour que Staline, treize ans après…

Depuis, un cratère de Vénus et un astéroïde portent son nom. La poésie ne s’éteint jamais – tant qu’un reflet d’étoile éclaire le fond des choses…

Paru dans Les Affiches d’Alsace et de Lorraine

  1. Nikita Struve dans Anna Akhmatova et la poésie européenne (dir. Tatiana Victoroff),  Peter Lang, 2016
  2. Constat de Joseph Brodski
  3. Lydia Tchoukovskaïa, Entretiens avec Anna Akhmatova, Albin Michel, 1980

Virginie Schaeffer vit avec bonheur une aventure créative de compositrice-interprète nationale et internationale tout en gardant ses racines en Alsace. Elle enseigne aussi la sagesse millénaire du yoga pour la lumière qu’elle donne.

Au commencement est le Verbe – ou la parole (en)chantée. C’est dans le chant que le jeune être de Virginie s’enracine – jusqu’à l’année de ses treize ans, où elle est poussée pour la toute première fois de sa jeune vie sur les planches pour interpréter une chanson en solo. C’était Bambino de Dalida (1933-1987) : son professeur de musique venait de la propulser sans crier gare sur le devant de la scène lors de la fête du collège de Benfeld.

C’est à cette occasion que la petite fille découvre une salle trépidante, expérimente toute l’étendue humaine, vocale et poétique d’une belle intensité communielle avec un public conquis, comme éclairé à sa jeune flamme – et saisit la signification du mot « bis »…

Elle venait tout à la fois de prendre la lumière, de trouver sa voix – et d’entrevoir la voie royale d’une vocation :  manifester sur scène une pleine présence au monde, n’est-ce pas (s’)éveiller au sens et au goût de l’être ? N’est-ce pas se découvrir une capacité d’âme et l’urgence de la partager en une contagieuse joie créatrice ? Comment désormais contenir ce souffle d’une immensité effleurée, cette vibration vitale, cette volonté de s’atteindre en se dépassant dans la conscience d’avoir un cœur et un talent à épanouir ? Ce jour-là, elle venait de communier dans l’être avec ses semblables.

Depuis, elle n’a de cesse de rendre cette lumière-là tombée du ciel de ses treize ans. Les données techniques et pédagogiques ont suivi, jusqu’à la pleine maîtrise de sa signature vocale, avec la foi comme compagne de route depuis le commencement d’un sacerdoce porté par la poésie, la mélodie et le rythme.

Le chant de l’équilibre

Son père et sa mère sont pleinement engagés dans la vie de la paroisse ainsi que dans celle du Théâtre alsacien – son père y met en scène des pièces dialectales : dès l’âge de sept ans, Virginie entre dans l’orchestre local de mandolines et chante des chants liturgiques dans la chorale de l’église. « Ma première référence, c’est Ella Fitzgerald. Je l’avais entendue à l’âge de quatorze ans. L’organiste de l’église où je chantais m’a fait découvrir le jazz à l’âge où les filles écoutent encore de la variété…Je raffolais aussi des comédies musicales américaines d’entre les deux guerres et je rêvais d’être dans les bras de Fred Astaire…Mes grands-parents sont sourds-muets, alors que je chantais à tue-tête avec mon frère et mes sœurs : c’était peut-être pour tenter de compenser ou de conjurer cela… ».

Manifestement, elle est entrée dans la pleine grâce d’une vocation qui a force d’évidence : la musique, c’est la vie – et la musique du monde ne serait plus la même après son passage.
Menant tambour battant chanson et études depuis l’âge de dix-sept ans, la jeune fille se met à la guitare (et au répertoire de Simon and Garfunkel), chante dans les rues de Vienne, anime des soirées privées et se produit dans divers pays d’Europe, dans un monde à sa mesure, comme en équilibre sur son chant des possibles…

En 1995, elle gagne le concours « Jeunes Espoirs » organisé par la Ville de Strasbourg, participe  à la création de l’album Pour un nouveau départ produit par Alain Bashung (1947-2009) et part en tournée au Portugal.

En 1996, elle chante en première partie du spectacle d’Angelo Branduardi lors de la Foire aux Vins de Colmar.

Cette année-là, elle sort son premier album, Le Jour se lève. Son producteur parisien, Richard Walter, est aussi celui de Patricia Kaas et de Deep Forest. Il ne ménage pas sa peine pour lui décrocher contacts et contrats.

En 1998, Virginie Schaeffer décroche un DESS en relations internationales ainsi qu’une licence en langues étrangères appliquées et entre dans une entreprise de torréfaction où elle dirige une équipe de dix personnes. « J’ai fait des études non pas pour faire juste plaisir à mes parents mais pour acquérir une bonne culture générale et une bonne connaissance des langues pour mes tournées ».  En même temps, elle ne cesse de travailler sa voix au Conservatoire de Strasbourg ( en classe de jazz et musique classique).

Après une participation à la compilation Zen (2000) réunissant notamment Moby, Goran Bregovic et The Chemical Brothers ainsi qu’une autre dans l’album Thorgal produit par Deep Forest, elle lance son premier single, Il y a des signes (WARNER, 2001). Des auteurs-compositeurs parisiens qui ont écrit pour Liane Folly participent à cet opus d’inspiration folk-rock. Puis elle co-écrit avec Christian Fougeron (chanteur du groupe local RAFT qui a gagné une belle audience internationale) son second album « La fille des highways » (2004, BMG). Si la jeune artiste tutoie les étoiles, elle n’en demeure pas moins à la racine de la réalité : « A Paris, on est juste un projet parmi d’autres et les apparences l’emportent sur le fond. Or, le fond, c’est la qualité artistique, ce qui demande une certaine maturité et une exigence qui ne transige pas.».

En 2005, elle compose, avec le bassiste et arrangeur Jean-François Untrau, l’hymne du Racing Club de Strasbourg (Le virage du Krimeri), et le chante au Stade de France lors de la finale de la coupe de la Ligue.

Les concerts prestigieux s’enchaînent : première partie de Boney M au Zénith de Lille, du groupe I Muvrini à Strasbourg et d’Eddy Mitchell à la Foire de Colmar – et aussi de Juliette Greco, d’Axelle Red ou de Natasha St Pier. Elle remporte aussi le concours « Graines de Star », prend part à des comédies musicales et se produit outre-Rhin sur la scène de l’Europa-Park dont elle anime toujours les dîners-spectacles.

En 2006, elle est finaliste à la sélection pour l’Eurovision, participe à l’album Metamusik – un hommage au grand aîné Léo Ferré (1916-1993). Elle sort un troisième album Eponyme dont le titre phare est Crayon de couleur  (Trop Blonde productions, 2008).

Son activité discographique se poursuit avec The Blue Operators (2013), un album de reprises de chansons des années 80, et Little Angel (2019), un album de créations personnelles retissant un univers musical entre énergie rock et folk mélodieux – le titre se comprend comme une invocation à l’ange gardien de ses trois enfants…

Après avoir enflammé le plateau de l’émission The Voice (TF1), elle co-crée Time Tour Tramp, un groupe de reprise des chansons de Super Tramp : « J’y suis choriste et guitariste, afin de ne plus être sur le devant de la scène. C’est un vrai collectif, chacun amène sa contribution, et le tout ne repose plus sur mes seules épaules… ».

Depuis, elle donne des concerts itinérants avec Thierry Kauffmann avec un répertoire de chansons françaises (Piaf,Trenet, Montand, etc.) dans son « Camion à chansons » – une camionnette qui se change en scène le soir venu pour une ambiance de guinguette : « J’ai besoin d’aller à la rencontre du public. Nous sommes parfaitement autonomes, il suffit d’une prise de courant… »

Si Noël m’était chanté…

Chaque année, quand la nuit s’éternise, la petite musique d’ambiance de Noël fait danser la vie dans nos cités métamorphosées en villes-lumière. Tout scintille, clignote, résonne – et chante… En 2006, la Ville de Sélestat sollicite Virginie pour un concert de Noël dans une église : « Suite à ce concert, j’ai eu l’idée de faire une tournée de concerts de Noël  dans les villages d’Alsace avec quatre musiciens et amis, et de produire  un premier album sur ce thème… ».

Ce sera Mon Noël au coin du feu (2007), suivi par un second, Virginie Schaeffer chante Noël (2010) – des reprises de grands standards étincelants pour célébrer ce point d’orgue festif de l’année : « J’ai aimé revisiter ces chansons. On m’avait dit que j’avais une voix qui se prêtait à des comptines pour enfants. J’avais un bon contact avec eux et un timbre cristallin qui les accroche…Les musiques de Noël liées à la liturgie me touchent : j’aime l’idée de mêler le plaisir de chanter avec celui de prier. Depuis l’engagement catholique de mes parents, le côté spirituel ne m’a jamais quitté. Et plus j’avance en maturité, plus je m’y ressource. Il s’agit d’une quête de l’essentiel qui n’a rien à voir avec une spiritualité de comptoir : comment sauver le monde de l’égoïsme qui mène l’espèce à sa perte ? Quand on garde une sensibilité à l’essentiel, on a la prière en soi pour mieux aller vers l’autre… ».

Depuis, Noël colle à la peau de celle qui parle le langage du cœur pour renouveler le paysage musical de la fête la plus célébrée de l’année. Jusqu’alors, le compteur semblait resté bloqué à Petit Papa Noël (1946) de Tino Rossi (1907-1983) qui donnait le coup d’envoi de la grande « fête de la consommation » dans l’imaginaire d’une société oublieuse de ses fondements anthropologiques : « J’aime l’idée de renouveler le spectacle vivant avec d’autres décors et d’autres inspirations… ».

L’agenda de Noël de sa petite entreprise de « spectacle vivant » s’élargit à d’autres scènes, de l’Illiade d’Illkirch à l’espace Tival de Kingersheim et à d’autres salles des fêtes – et s’enrichit d’un livre-disque avec vingt-quatre chansons (Si Noël m’était chanté, 2013)…

Une sagesse millénaire et… anti-âge

Depuis ses débuts sur scène, Virginie Schaeffer cultive par ses choix non le futile mais l’essentiel et le fertile – ce qui libère, rend plus fort et relie…

Si elle chante Noël pour la célébration d’une pleine puissance d’être, elle transmet également par l’enseignement du yoga depuis 2014, approfondi en musique à Walheim et Blotzheim (68) : «Je le pratique depuis 2004 : alors que, sur scène, je suis tournée vers l’extérieur, le yoga me recentre dans mon intériorité. Pendant le confinement m’est venue l’idée des Yoga-concerts interactifs et festifs. Ainsi, je peux allier mes deux passions, la musique et le yoga, et intégrer tous les savoirs-faire… Pendant les cours, inspirés par la méditation de pleine conscience, j’utilise ma voix pour chanter les mantras. Je suis accompagnée par le chanteur et multi-instrumentiste Murray Hockridge et je passe du tapis à la scène en l’espace de deux heures.»

Une structure associative à Ferrette lui permet d’envisager la création de Yog’arts, un centre de « Musi-Corps-Thérapie » dédié au mieux-être – il accueille au centre-ville des cours de musique et de yoga ainsi que des ateliers animés par des intervenants dans les domaines de l’alimentation ou de la santé : « Le yoga est un précieux auxiliaire de santé, notamment pour le développement cognitif des seniors…Je donne des cours de la maternelle aux maisons de retraite, sans oublier les entreprises, afin de remédier au mal-être et aux maux de société, dans un esprit d’aide à la personne et d’épanouissement de son potentiel. Je donne aussi des cours de yoga sur chaise et propose des séjours Yoga, dont le prochain aura lieu à Malte, du 25 octobre au 1er novembre. Il y a aussi des ateliers itinérants, d’Altkirch à Mulhouse comme pour le camion à chansons, dans un esprit d’autonomie…»

L’autonomie, comme l’amour, est déclarée dans un monde « en guerre » perpétuelle. C’est l’enseignement fondamental du yoga : la conscience est la force essentielle de l’univers. Tout changement dans notre vie commence par une prise de conscience de quelque chose de plus grand que nous, d’un potentiel illimité d’une force de création en chacun de nous. C’est ainsi que s’accomplit la vie chantée des anges, dans l’enchantement de la plus haute expression de soi, accordée à la respiration de l’univers.

Paru dans Les Affiches d’Alsace et de Lorraine

Prochains événements :

Yoga Concert à Sienrentz (68) le 13 mars (centre JAD à 20h)

Concert Tribute à Supertramp le 16 mars au Grillon à Colmar

Soirée Yoga en musique le 20 mars à l’Illiade – Illkirch-Graffenstaden

Soirée Country avec Murray Hockridge le 23 mars à 19h au Tipi Dorf – Europapark

Camion à chansons à Dannemarie (68) le 21 juin à 20h

Pour tous renseignements :

http://www.virginieschaeffer.com

www.bodyandsong.com

www.lecamionachansons.com

virginie.schaeffer@gmail.com