Une avocate alsacienne livre un guide de « l’éco-développement personnel durable » et met sa belle énergie tant articulatoire que persuasive au service d’une saine philosophie de l’agir : « Prendre soin de soi pour prendre soin de la planète ». Avec elle, « l’écologie » ne se laisse pas dénaturer en éco-tartufferie « punitive » mais se vit en mode jubilatoire…
Flora Hebrige (c’est le quasi anagramme de son nom d’état-civil) est une guerrière des temps postmodernes, toute en douceur et persuasion, qui pense loin donc « global » sans se priver d’agir « local », sur son terrain de vie alsacien, au plus près et au plus fort de cette indicible trépidation qui scande notre aventure vitale, du berceau au tombeau.
Avocate au barreau de Colmar exerçant depuis 2004, elle œuvre dans le domaine du droit immobilier et ne se prive pas davantage de défendre des causes qui ne sont perdues que lorsqu’on les déserte. La première d’entre elles est celle de la santé publique : ne s’agit-il pas d’habiter notre demeure terrestre de la façon la plus saine et la plus poétique possible afin de lui faire honneur?
Youtubeuse très suivie, elle a mis en ligne sur sa chaîne « écolo-thérapie » une vidéo sur les « Gilets jaunes », intitulée « Merci pour le positif » où elle décrypte le choix de la diffusion d’images de violence par les médias : « Il ne faut pas se laisser diviser sur des manipulations, mais se retrouver sur ce qui nous relie et voir le positif à l’oeuvre. Il y a de plus en plus de tension autour de cette notion d’écologie alors qu’elle nous devrait nous fédérer : nous sommes bel et bien embarqués sur le même bateau. Le conflit vient toujours d’un manque d’information et de savoir véritables… »
Et si chacun répétait son rôle positif jusqu’à ce que se créent les comportements adaptés et les situations désirées ?
Linky, le compteur « intelligent » qui fait chanter…
Alors que se propage dans tout l’Hexagone l’onde de choc suscitée par l’installation à marche forcée (30 000 poses par jour) du compteur Linky dit « intelligent » depuis la loi dite de « transition énergétique » du 18 août 2015 (l’expression fait fureur depuis – et voir jaune fluo, jusqu’à enfler une vague de refus de la couleur dudit compteur « communicant »…), elle fait une vidéo intitulée « Enedis me rassure ». Elle-même avait subi l’installation dudit compteur dans des conditions pour le moins malignes, en dépit de son refus dûment notifié :
« J’avais écrit deux lettres recommandées avec accusé de réception à l’opérateur ex-ERDF rebaptisé Enedis pour leur signifier mon refus de me faire installer ce compteur « communicant » et radiatif à obsolescence programmée alors que mon bon vieux compteur électrique, installé à l’extérieur de ma maison, fonctionnait très bien et sans effets « potentiellement cancérigènes » : il avait été conçu pour durer soixante ans au moins sans nécessiter l’érection d’une armée d’antennes-relais supplémentaires… Bien sûr, j’ai invoqué le problème de l’électro-sensibilité, qui se répand comme une épidémie, proportionnellement à la pose de ces compteurs, d’antennes-relais et à la prolifération d’objets connectés. En guise de réponse, j’ai reçu deux lettres stéréotypées disant en substance : « Rassurez-vous, nous sommes assurés »… La filiale d’EDF m’avait donné une période approximative d’installation par un sous-traitant désigné comme « société partenaire » (Agiscom) : j’ai donc pris mes dispositions pour me libérer afin de confirmer de vive voix aux installateurs mon refus déjà notifié par voie épistolaire. Seulement, ils n’étaient pas venus pendant la semaine prévue, mais en notre absence, au mépris du refus déjà signifié. »
En réponse à ce mépris cavalièrement manifesté par un opérateur oublieux de ceux qui le font vivre (et qu’il est censé « servir »…), elle a poussé la chansonnette et mis en ligne une vidéo « virale » narrant cette mésaventure, « Enedis me fait chanter », suivie par plus de 2500 « followers » à ce jour. Leur nombre pourrait bien croître à mesure que s’étend la fronde suscitée par la si invasive avancée du compteur « intelligent » dans des foyers guère demandeurs de cette « modernisation » imposée par d’autres intérêts que celui du consommateur comme de l’ayant-droit à une vie digne, saine et décente… Et la vague jaune du mécontentement pourrait bien converger avec une autre, plus audible encore, en un océan de fureur et de couleurs qui emporte les digues d’une lobbycratie en folie – ainsi rêvent les idéalistes pour qui « un autre monde est possible »…
Le chant du monde
Chacun cherche sa voie et trouve sa voix, se découvrant parfois en corps à cordes, vibrant et accordant ses résonances avec l’univers qui lui parle. Ainsi Flora interprète à sa manière la partition diffuse dans l’univers comme la plainte des sans-voix ou des sans-dents : « J’aurais aimé un métier en rapport avec la nature et les animaux. Je me sens bien en forêt et quand je chante, mais je n’ai pas trouvé de métier qui convienne dans ces domaines. Alors, en attendant de telles opportunités, j’ai fait des études de droit car je ne supporte pas l’injustice. Et je chante depuis l’âge de quatorze ans. J’ai chanté dix années au sein du chœur de l’Orchestre philarmonique de Strasbourg avec le plus charmant des ténors, Patrick Labiche, qui m’a recommandée à mon professeur de chant, Louis Bronner. »
Quand il y a une vocation, il y a une voix – ainsi Flora donne la sienne aux causes qui l’appellent, prenant sa part de colibri de la plainte du monde et faisant entendre entre les notes toute la musique de ce qui pourrait être…
En 2013, elle fonde avec son mari Frédéric le groupe musical Spica (www.spica-art.com) : « Nous l’avons baptisé du nom de l’étoile double de la constellation de la Vierge. »
Un premier album a suivi, baptisé Eden – une musique d’inspiration celtique, avec des chants traditionnels irlandais et anglais et la Terre comme source d’inspiration. Chacun n’a-t-il pas son instrument de musique dans la gorge ? « Maître Hebrige » en fait aussi un instrument de justice et de pédagogie innovante. On imagine aisément la justice donnant de la voix en instance de préservation de la planète…
Elle publie un premier roman auto-édité par crowdfunding, Le Rêve et la balance, narrant les aventures d’une jeune avocate idéaliste … Et enfin ce guide pratique, agrémenté de photos de chats, pour aider à honorer la vie comme un miracle à préserver, en bonne intelligence avec l’esprit de l’univers :
« Ce livre m’a été inspiré en créant moi-même mes produits de soin et d’entretien, à base de bicarbonate de soude, de vinaigre blanc et d’huiles essentielles. Je donne des ateliers et des conférences intitulés « Eco-Logique » pour apprendre aux gens à ne pas se contenter de passer des « produits tout faits » aux « recettes toutes faites ». La notion de bon sens y est très appréciée. Il s’agit de changer nos habitudes de consommation vers plus de simplicité, de liberté et de qualité en travaillant sur nos croyances, en conscience et réflexion. L’insatisfaction est le moteur de l’action. Elle nous fait changer d’habitudes. Nous sommes conditionnés par nos croyances et il est si difficile de nous informer quand nous sommes justement abreuvés d’informations. Le doute nous aide à être dans une démarche d’ouverture. »
Alors, « l’écologie punitive » et férocement taxatoire sert-elle vraiment la cause qu’elle prétend défendre ou en trahit-elle les enjeux vitaux au profit d’intérêts plus inavouables? Pas question de se résigner à une planète vitrifiée en non-lieu où les causes perdues seraient retournées à leurs promesses trahies après la destruction de toute intelligence collective : « Il n’y a pas de culpabilité à avoir ni d’effort démesuré à faire quand on entre dans un cadre de vie et d’écologie véritables. Il s’agit de faire des choix de vie en conscience en restant dans la bienveillance. Quand on prend vraiment soin de soi, on rejoint la défense de l’environnement et on prend soin de la planète. »
Celle qui aime chanter, écrire et plaider cite la fable du Loup d’amour : « Nous avons deux loups en nous, un vorace plein de haine et un autre empli d’amour. Le loup qui gagne, c’est celui que tu nourris…»
Société fracturée cherche dirigeants bienveillants… Dans l’ordre admis des choses, la personne humaine et le monde à (sur)exploiter, ça fait deux. Dans un ordre de bienveillance, ça peut faire trois : l’humain, le monde et une conscience, bien plus vaste, qui s’émerveillerait d’être là, en harmonie avec son écosystème planétaire, et oeuvrerait à s’en montrer digne, comme la petite note bleue et allègre d’un chant universel…
Epilogue disjoncté
Mais dans les mauvais comptes d’Enedis, une fausse note s’est invitée au foyer de Me Flora : peu de temps après la pose « frauduleuse » du compteur « intelligent » dont elle ne voulait pas et à deux jours de Noël, elle se faisait cambrioler… Ce sont là des « choses qui arrivent » dans le monde survolté de Linky où des gadgets se mettent en branle à quatre heures du matin et où des maisons partent en fumée. Quand elles ne sont pas « visitées » avant…
Dès la pose des premiers Linky, des hackers avaient démontré comment ils avaient piraté l’un de ces compteurs si « intelligents »… Pour sa part, la CNIL avait démontré que Linky s’avère un « mouchard » dans les deux sens : par la captation de ses flux, « on » peut savoir avec précision si le logement ainsi équipé est vide ou occupé, combien de personnes y sont présentes et même ce qu’elles sont en train d’y faire… On imagine sans peine le parti que des bandes organisées ou des « officines » en tous genres pourraient en tirer : « Big Brother en a rêvé, Linky l’a fait »… On imagine sans peine l’épidémie de maladies des ondes, de cancers et de cambriolages à venir dans le pire des mondes possible…
Combien de nos concitoyens prendront à l’insu de leur plein gré le risque de vivre en bonne « intelligence » avec ce monde-là, si frénétiquement « communicant » et si dangereusement « intelligent »?
Le Phénix disjoncté…
Flora Hebrige, Ecolo-thérapie – Prendre soin de soi, en prenant soin de la Planète, sans prise de tête, ça va de soi !,
I.D. l’Edition, 88 p., 14 €